Un week-end à Paris : quand la famille devient un miroir

« Tu peux passer l’aspirateur dans le salon, maman ? » La voix de mon fils, Guillaume, résonne dans l’appartement haussmannien, alors que je viens à peine de poser ma valise dans l’entrée. Je regarde autour de moi : des chaussures éparpillées, des miettes sur la table basse, une pile de linge sale sur le canapé. Je retiens un soupir. Ce n’est pas ainsi que j’imaginais mon premier week-end à Paris depuis leur mariage.

Je m’appelle Françoise. J’ai 62 ans, je vis dans un petit village du Loiret où le silence n’est troublé que par le chant des oiseaux et le bruit du vent dans les arbres. J’ai élevé mes deux enfants seule après la mort de leur père. Guillaume, mon aîné, a toujours rêvé de la ville. Il s’est installé à Paris avec sa femme, Camille, une jeune femme discrète que je connais à peine.

J’avais imaginé ce séjour comme une parenthèse : flâner dans les rues du Marais, boire un café en terrasse, rire avec mon fils comme avant. Mais à peine arrivée, je me retrouve à trier leur linge, à récurer la salle de bains, à vider le lave-vaisselle. Camille passe devant moi sans un mot, absorbée par son téléphone. Guillaume travaille sur son ordinateur dans la chambre. Personne ne me demande comment je vais.

Le soir venu, alors que je prépare le dîner – une quiche lorraine comme ils l’aiment –, j’entends leurs voix derrière la porte entrouverte.

— Elle pourrait au moins nous demander avant de tout ranger, souffle Camille.
— Laisse-la faire, répond Guillaume. Ça lui fait plaisir…

Je me fige. Est-ce vraiment ce qu’ils pensent ? Que je suis venue ici pour faire le ménage ? Je me sens soudain vieille et inutile. Dans ma campagne, on se serre les coudes ; ici, tout semble froid et distant.

Le lendemain matin, je me lève tôt pour aller acheter du pain frais à la boulangerie du coin. Sur le chemin du retour, je croise une voisine qui me sourit gentiment. Ce petit geste me réchauffe le cœur. Mais en rentrant, je retrouve l’appartement dans le même état de désordre. Guillaume et Camille dorment encore. Je prépare le petit-déjeuner en silence.

À midi, alors que je débarrasse la table, Guillaume me lance :

— Tu pourrais nous montrer comment tu fais ton gratin dauphinois ?

Je hoche la tête sans répondre. J’aimerais qu’il me demande plutôt comment je vais, ce que je ressens loin de chez moi. Mais il ne voit rien.

Le dimanche soir arrive trop vite. Ma valise est prête dans l’entrée. Guillaume et Camille sont assis sur le canapé, absorbés par une série Netflix. Je m’approche pour leur dire au revoir.

— Merci pour tout, dis-je timidement.

Ils lèvent à peine les yeux.

— À bientôt maman !
— Oui, merci d’être passée…

Je ferme la porte derrière moi avec un pincement au cœur. Dans le train qui me ramène vers ma campagne, les images du week-end défilent dans ma tête : les corvées silencieuses, les regards fuyants, l’absence de chaleur. Je me demande où j’ai échoué. Ai-je trop donné ? Ou bien n’ai-je pas su réclamer ce dont j’avais besoin ?

En regardant défiler les champs par la fenêtre, une question me hante : est-ce cela, être mère aujourd’hui ? Donner sans attendre en retour ? Ou ai-je le droit d’espérer un peu de reconnaissance ? Qu’en pensez-vous ?