Il m’a quittée à neuf mois de grossesse… Trois ans plus tard, il frappe à ma porte
« Tu ne comprends pas, Gianna ! Je n’en peux plus, je suffoque ici ! »
La voix de Paul résonne encore dans ma tête, trois ans après cette nuit où il a claqué la porte de notre petit appartement à Nantes. J’étais là, debout dans le couloir, une main sur mon ventre arrondi, l’autre agrippée au mur pour ne pas m’effondrer. Neuf mois de grossesse. Neuf mois à espérer qu’il tiendrait bon, qu’on deviendrait enfin une famille. Mais il est parti. Sans un regard en arrière.
Je me souviens de la pluie qui martelait les vitres ce soir-là. J’ai hurlé son nom dans le vide, mais seule la voix de ma mère au téléphone m’a ramenée à la réalité : « Gianna, pense au bébé. Respire. »
Paul et moi, c’était sept ans d’amour à distance, de week-ends volés entre Paris et Nantes, de textos nocturnes et de promesses murmurées. On n’avait jamais vraiment vécu ensemble avant ce test de grossesse positif qui a tout bouleversé. On s’est mariés à la mairie du quartier, un peu par devoir, beaucoup par peur de l’inconnu. Ma mère n’a jamais caché ses doutes : « On ne construit pas une famille sur un accident, ma fille. »
Mais moi, j’y croyais. Jusqu’à ce soir-là.
Les semaines qui ont suivi son départ ont été un brouillard épais. J’ai accouché seule à la maternité de l’Hôtel-Dieu. Ma fille, Camille, est née avec ses grands yeux sombres et son cri puissant. J’ai pleuré de joie et de rage en même temps. Ma sœur Lucie est venue me soutenir, elle a pris Camille dans ses bras et m’a dit : « On va s’en sortir, je te le promets. »
Les premiers mois ont été un combat quotidien : les nuits blanches, les couches à changer, les factures qui s’accumulent. J’ai repris mon poste d’infirmière à mi-temps dès que possible. Les collègues murmuraient dans mon dos : « Tu as des nouvelles du père ? » Non, aucune. Paul avait disparu. Plus un message, plus un virement sur le compte commun. Rien.
Ma mère venait souvent garder Camille pendant que je travaillais. Elle me répétait : « Tu dois tourner la page. Il ne reviendra pas. » Mais chaque soir, je guettais le bruit de l’ascenseur dans l’immeuble, espérant une silhouette familière.
Trois ans ont passé. Camille a grandi, elle court partout dans le parc de Procé avec ses boucles brunes et son rire contagieux. Je me suis reconstruite lentement : j’ai rencontré des mamans solos au square, on s’est soutenues autour d’un café ou d’un goûter improvisé. J’ai même commencé à sortir avec un collègue, Antoine – gentil, attentionné, mais je n’arrivais pas à lui ouvrir complètement mon cœur.
Et puis hier soir, tout a basculé.
Il était 21h quand on a frappé à la porte. J’ai ouvert sans réfléchir… et Paul était là. Amaigri, les yeux cernés, un bouquet de pivoines à la main – mes fleurs préférées.
« Gianna… Je sais que je n’ai pas le droit d’être ici. Mais laisse-moi t’expliquer… »
J’ai senti la colère monter en moi comme une vague brûlante.
— Tu veux expliquer quoi ? Que tu m’as laissée seule avec un bébé ? Que tu n’as jamais pris de nouvelles ?
Il a baissé les yeux.
— Je suis parti parce que j’avais peur… Peur de ne pas être à la hauteur, peur de tout gâcher… Mon père m’a toujours dit qu’un homme devait être fort, mais moi je me sentais faible…
J’ai éclaté :
— Tu crois que moi je n’avais pas peur ? Tu crois que j’avais envie d’affronter tout ça seule ?
Camille s’est réveillée en pleurant dans sa chambre. Je me suis précipitée vers elle pour la consoler. Paul est resté planté dans l’entrée, les épaules voûtées.
Quand je suis revenue, il avait posé les fleurs sur la table.
— Je veux rencontrer ma fille… Je veux rattraper le temps perdu…
J’ai ri nerveusement.
— Rattraper quoi ? Trois ans d’absence ? Tu crois qu’on efface ça avec des excuses ?
Il a supplié :
— Laisse-moi au moins essayer… Je t’en supplie.
Je l’ai regardé longtemps sans rien dire. Une partie de moi voulait lui claquer la porte au nez ; une autre se souvenait des nuits passées à espérer son retour.
Le lendemain matin, j’en ai parlé à Lucie autour d’un café.
— Tu lui dois rien, Gianna. Mais Camille a peut-être le droit de connaître son père…
Ma mère a été plus tranchante :
— Il vous a abandonnées ! Il ne mérite pas ta confiance.
Et moi ? Je suis perdue entre la colère et la compassion. Je vois Camille jouer avec sa poupée dans le salon et je me demande : ai-je le droit de lui refuser ce père qui revient trop tard ? Ou dois-je protéger notre équilibre fragile ?
Paul m’a écrit une lettre ce soir : « Je ne demande pas ton pardon tout de suite. Mais laisse-moi prouver que j’ai changé… »
Je relis ses mots encore et encore. Mon cœur balance entre la rancœur et l’espoir d’une famille enfin réunie.
Est-ce qu’on peut vraiment pardonner l’impardonnable ? Et vous, à ma place… que feriez-vous ?