Entre la colère et le pardon : Mon cœur en équilibre
« Tu me détestes, Claire ? »
La voix d’Antoine tremble dans la pénombre du salon. Je serre la tasse de thé brûlante entre mes mains, comme si la chaleur pouvait empêcher mon cœur de geler. Je ne réponds pas. Les mots sont trop lourds, trop tranchants. Le silence s’installe, épais, presque suffocant.
Tout a commencé il y a trois semaines. Un message sur son téléphone, un prénom inconnu : Élodie. Un simple « Merci pour hier soir ». Mon sang n’a fait qu’un tour. J’ai fouillé, honteuse, fébrile. Les preuves se sont accumulées comme des pierres sur ma poitrine. Antoine, mon mari depuis douze ans, le père de nos deux enfants, m’avait trahie.
Je revois encore la scène. Il rentre tard, son manteau sent la pluie et le tabac froid. Je l’attends dans la cuisine, les yeux cernés par les nuits blanches. « Il faut qu’on parle », ai-je lancé d’une voix étranglée. Il a compris tout de suite. Pas de mensonge, pas de fuite. Il s’est effondré sur une chaise, le visage défait.
« Je suis désolé, Claire… Je ne sais pas ce qui m’a pris… »
Je l’ai écouté sans l’entendre. Les mots glissaient sur moi comme la pluie sur les vitres. J’aurais voulu hurler, casser quelque chose, mais j’étais vide. Depuis ce soir-là, je vis dans un brouillard épais. Les enfants sentent que quelque chose cloche. Louise, 9 ans, me demande pourquoi papa dort sur le canapé. Paul, 6 ans, se réveille en pleurant la nuit.
Ma mère m’a dit : « On ne pardonne pas ce genre de chose, Claire. » Ma sœur Julie a pleuré avec moi et m’a proposé de venir chez elle quelques jours. Mais je n’arrive pas à partir. Cette maison est la mienne, notre histoire est partout : les dessins des enfants sur le frigo, les photos de vacances à Biarritz, le vieux fauteuil qu’on s’est offert pour notre premier anniversaire de mariage.
Antoine tente tout pour se racheter. Il prépare le petit-déjeuner des enfants, il rentre plus tôt du travail, il me laisse des petits mots sur la table : « Je t’aime », « Pardonne-moi ». Parfois je le surprends en train de pleurer dans la salle de bain. Je ne l’ai jamais vu aussi vulnérable.
Un soir, alors que je rangeais les courses dans la cuisine, il est venu derrière moi et a posé sa main sur mon épaule. J’ai sursauté.
— Claire… Je sais que j’ai tout gâché. Mais je t’aime. Je suis prêt à tout pour réparer ce que j’ai brisé.
J’ai senti mes jambes flancher.
— Tu crois qu’on peut recoller les morceaux ?
Il a baissé les yeux.
— Je ne sais pas… Mais je veux essayer. Pour toi, pour les enfants.
Je me suis éloignée brusquement.
— Tu aurais dû y penser avant !
Je me déteste de ressentir encore de l’amour pour lui. Je voudrais être forte comme maman, trancher net et ne plus jamais regarder en arrière. Mais je ne suis pas elle. Je suis perdue entre la colère et la tendresse, entre l’envie de lui pardonner et celle de le punir.
Les jours passent et rien ne s’apaise vraiment. Au travail, je fais semblant d’aller bien. Mes collègues parlent des vacances d’été ; moi je me demande si je serai encore mariée en juillet. Le soir, je regarde Antoine dormir sur le canapé du salon, recroquevillé comme un enfant puni.
Un dimanche matin, Louise s’est glissée dans mon lit.
— Maman… Tu vas divorcer avec papa ?
Son regard m’a transpercée. J’ai menti :
— Non ma chérie… On essaie juste de régler quelques problèmes.
Elle a hoché la tête sans trop y croire et s’est blottie contre moi.
Je repense à nos débuts avec Antoine : les balades sur les quais de Bordeaux, nos fous rires au cinéma Utopia, nos rêves d’acheter une maison à la campagne… Où est passée cette complicité ? Est-ce que tout peut vraiment disparaître à cause d’une seule erreur ? Ou est-ce que c’est justement cette erreur qui révèle ce qui manquait depuis longtemps ?
Hier soir encore, il m’a suppliée :
— Claire… Dis-moi ce que je dois faire pour que tu me pardonnes.
J’ai éclaté en sanglots.
— Je ne sais pas ! Je ne sais même pas si c’est possible…
Il m’a prise dans ses bras malgré ma résistance. J’ai senti sa détresse aussi forte que la mienne.
Aujourd’hui, j’écris ces lignes parce que je suis à bout de forces. J’ai besoin d’aide. Est-ce qu’on peut vraiment pardonner l’infidélité ? Est-ce que l’amour peut renaître après une telle trahison ? Ou bien faut-il accepter que certaines blessures ne guérissent jamais ?
Je regarde Antoine préparer le goûter des enfants dans la cuisine. Il me lance un regard plein d’espoir et de peur mêlés.
Et moi… Est-ce que je serai capable d’aimer à nouveau sans avoir peur d’être trahie ? Est-ce que vous auriez su pardonner à ma place ?