Entre Deux Feux : L’Anniversaire de Nova et le Retour de Mon Ex-Belle-Mère

— Tu es sûre que ça ne te dérange pas, Gianna ?

La voix de Françoise tremblait un peu dans l’entrée, son manteau bleu marine encore sur les épaules. Je me suis forcée à sourire, Nova agrippée à ma jambe. « Non, vraiment, entrez. » J’ai menti. J’avais le cœur serré depuis qu’elle m’avait appelée la veille pour demander si elle pouvait voir Nova pour ses deux ans. Antoine, lui, n’avait même pas envoyé un message. Deux ans que je me débattais seule avec les couches, les nuits blanches et les factures.

Françoise a posé un petit paquet sur la table du salon. « Joyeux anniversaire, ma chérie ! » Nova a tendu les bras, fascinée par le papier brillant. Un ours en peluche, quelques bonbons, et une enveloppe avec un billet de cinquante euros. J’ai remercié poliment, mais je sentais déjà la tension monter. Depuis le divorce, chaque visite de Françoise était un rappel douloureux de ce que j’avais perdu : une famille entière, pas seulement un mari.

Nous sommes sorties au parc. Françoise poussait Nova sur la balançoire, son visage illuminé par un sourire sincère. « Elle ressemble tellement à Antoine à son âge… » J’ai détourné les yeux. Antoine n’était plus qu’un fantôme dans nos vies, trop occupé par sa nouvelle copine et ses week-ends à Biarritz pour se souvenir de l’existence de sa fille.

Sur le chemin du retour, Françoise a brisé le silence :
— Tu sais, Gianna, je comprends que tu sois en colère contre Antoine… mais Nova a besoin de sa famille.

J’ai serré les dents. « Sa famille ? Il ne l’a même pas appelée aujourd’hui. »

Françoise a soupiré. « Il est maladroit… Mais moi, je veux être là pour elle. Pour toi aussi, si tu veux bien. »

De retour à la maison, tout a basculé. Je préparais un chocolat chaud quand j’ai entendu Nova pleurer dans le salon. Je me suis précipitée : Françoise tenait Nova dans ses bras, essayant de la consoler après une chute. Mais ce n’est pas la douleur qui faisait pleurer ma fille — c’était la confusion. Elle ne comprenait pas pourquoi cette « mamie » venait parfois puis disparaissait.

J’ai pris Nova contre moi. « Ça suffit pour aujourd’hui », ai-je dit d’une voix plus dure que je ne l’aurais voulu.

Françoise s’est levée lentement, blessée. « Je ne veux pas m’imposer… Mais tu ne peux pas me priver de ma petite-fille parce que tu en veux à mon fils ! »

Le silence est tombé comme une chape de plomb. J’ai senti mes yeux brûler. « Ce n’est pas contre toi… Mais chaque fois que tu viens, c’est comme si on ouvrait une vieille blessure. Tu comprends ? »

Elle a ramassé son sac, les mains tremblantes. « Je comprends que tu souffres… Mais Nova n’a rien demandé à tout ça. Je veux juste l’aimer. »

Après son départ, j’ai mis Nova au lit et je me suis effondrée sur le canapé. Les souvenirs sont revenus en rafale : les disputes avec Antoine sur sa mère trop présente, les promesses non tenues, les nuits où je pleurais en silence pour ne pas réveiller Nova.

Le lendemain matin, ma mère m’a appelée :
— Alors, ça s’est bien passé avec Françoise ?

J’ai hésité. « Je ne sais plus quoi penser… Est-ce que je fais du mal à Nova en laissant Françoise entrer dans sa vie ? Ou est-ce que je lui fais du mal en l’en privant ? »

Ma mère a soupiré : « Tu fais ce que tu peux. Mais rappelle-toi : ce n’est pas parce qu’Antoine est parti que tout le monde doit disparaître. »

Les jours suivants, j’ai observé Nova jouer avec l’ours offert par Françoise. Elle lui parlait comme à une amie imaginaire. J’ai compris qu’elle avait besoin d’amour, peu importe d’où il venait.

Mais la peur restait là : et si Antoine décidait soudainement de revenir dans sa vie ? Et si Françoise prenait trop de place ? Et si moi, je n’étais jamais assez ?

Un soir, alors que je bordais Nova, elle m’a demandé :
— Maman, elle revient quand Mamie ?

J’ai caressé ses cheveux blonds. « Bientôt, mon cœur… »

Mais au fond de moi, je doutais encore.

Est-ce qu’on doit laisser entrer les fantômes du passé pour le bien de nos enfants ? Ou faut-il protéger nos blessures au risque d’en créer d’autres chez eux ?

Et vous… qu’auriez-vous fait à ma place ?