Une semaine dans la peau de papa : quand Antoine découvre la réalité du congé parental

— Tu verras, ce n’est pas si compliqué, tu as juste à suivre la routine, lui ai-je dit en lui tendant la liste des tâches, un sourire fatigué aux lèvres. Antoine a haussé les épaules, sûr de lui. « Franchement Camille, une semaine à la maison avec Paul et Louis ? Je vais en profiter pour avancer sur mes lectures et me reposer un peu. » J’ai ri jaune. Il ne savait pas encore.

Le lundi matin, je suis partie travailler plus tôt que d’habitude. Dans l’ascenseur, j’ai entendu les cris étouffés de Paul qui refusait de mettre son pantalon. J’ai fermé les yeux, partagé entre la culpabilité et un étrange soulagement. Enfin, c’était à son tour.

À peine arrivée au bureau, mon téléphone a vibré :
— Camille, où sont les chaussettes de Louis ?
— Dans le tiroir du bas, comme toujours.
— Il ne veut pas déjeuner…
— Propose-lui une compote, il adore ça.

À midi, Antoine m’a envoyé une photo : la cuisine était un champ de bataille. Paul avait renversé son bol de céréales sur le sol, Louis dessinait sur le mur avec du yaourt. « Je gère », disait le message. Mais je voyais bien son regard perdu.

Le soir, en rentrant, j’ai trouvé Antoine affalé sur le canapé, les cheveux en bataille, les yeux cernés. Les enfants dormaient enfin. Il m’a regardée comme s’il venait de traverser une tempête.
— Comment tu fais ?
J’ai haussé les épaules. « On n’a pas le choix. »

Les jours suivants ont été pires. Mardi matin, il a oublié la réunion parents-profs à l’école maternelle. La maîtresse, Madame Lefèvre, l’a appelé :
— Monsieur Martin, nous vous attendions…
Il a bredouillé des excuses, confus. Paul est rentré triste : « Papa n’est pas venu me voir à l’école… »

Mercredi, il a tenté d’emmener les garçons au parc. Il a oublié les goûters, les mouchoirs, et Louis est tombé dans une flaque d’eau. De retour à la maison, il a dû gérer deux crises de larmes et un bain improvisé.

Je voyais Antoine changer chaque jour. Son ton devenait moins assuré au téléphone. Il me demandait conseil pour tout : « Comment tu fais pour qu’ils mangent des légumes ? », « Tu arrives à prendre une douche quand même ? »

Jeudi soir, il a craqué devant moi.
— Camille… Je croyais que tu exagérais quand tu parlais de charge mentale. Mais c’est vrai… On pense à tout, tout le temps. Je n’ai même pas eu cinq minutes pour moi.
J’ai senti mes yeux s’embuer. Enfin, il comprenait.

Vendredi matin, il a préparé le petit-déjeuner sans rien oublier. Il a même pensé à glisser un mot doux dans la boîte à goûter de Paul. Mais il était épuisé.

Le week-end est arrivé comme une délivrance pour lui. Le dimanche soir, alors que je bordais les enfants, il m’a rejoint dans la cuisine.
— Camille… Je suis désolé pour toutes ces fois où j’ai cru que tu te reposais pendant ton congé parental. J’étais loin du compte.
Il m’a pris la main.
— On devrait vraiment mieux partager tout ça…

Cette semaine-là a tout changé entre nous. Antoine a commencé à s’impliquer davantage : il prépare les repas du soir, gère les devoirs de Paul et emmène Louis chez le pédiatre sans que je doive tout organiser à l’avance.

Mais ce qui m’a le plus marquée, c’est la façon dont notre entourage a réagi. Ma belle-mère m’a appelée :
— Alors, Antoine s’en sort ?
Je lui ai raconté quelques anecdotes. Elle a ri : « Ah ces hommes… Ils croient toujours que c’est facile ! »
Mais moi, je n’avais plus envie de rire.

Au travail aussi, mes collègues ont été surprises :
— Ton mari prend le relais ? Tu as de la chance !
Chance ? Ou juste normalité ? Pourquoi est-ce encore exceptionnel qu’un père prenne sa part ?

Aujourd’hui, je repense à cette semaine comme à un tournant dans notre vie de famille. J’ai compris que rien ne change si on ne se parle pas franchement, si on ne laisse pas l’autre expérimenter vraiment ce qu’on vit chaque jour.

Parfois je me demande : combien de couples continuent à vivre dans l’incompréhension parce qu’on ne se met jamais vraiment à la place de l’autre ? Et vous, avez-vous déjà échangé vos rôles à la maison ? Qu’est-ce qui vous empêche d’essayer ?