Mon fils, sa femme, et la révolution du salon : Chronique d’un Noël pas comme les autres
— Non, mais tu te rends compte ?! C’est Noël, et au lieu de profiter du foie gras, je me retrouve à éplucher des carottes avec mon fils et mon mari !
J’ai lancé cette phrase à la cantonade, la voix tremblante entre l’agacement et l’incrédulité. Autour de moi, dans la cuisine trop petite de notre pavillon à Tours, Camille, ma belle-fille, souriait calmement. Elle avait posé le saladier sur la table et distribué les éplucheurs comme si c’était la chose la plus naturelle du monde.
— Allez, tout le monde s’y met ! Plus on est de fous, plus on rit !
Mon fils Thomas a haussé les épaules, un sourire gêné aux lèvres. Mon mari Gérard a marmonné quelque chose sur « l’époque où les femmes savaient recevoir » avant de s’exécuter sous le regard insistant de Camille. Les enfants couraient partout, riant aux éclats, inconscients du bouleversement qui se jouait sous leurs yeux.
Je n’ai rien dit. J’ai pris un éplucheur moi aussi. Mais au fond de moi, une tempête grondait. Depuis quand les hommes participaient-ils à la préparation du repas de Noël ? Chez nous, c’était sacré : les femmes en cuisine, les hommes devant la télé ou à l’apéro. C’était comme ça chez mes parents, chez mes grands-parents… Et voilà que Camille débarquait avec ses idées modernes.
Le soir venu, alors que tout le monde riait autour de la table joliment dressée (par Thomas et Gérard, sous la supervision de Camille), je me suis retrouvée à côté de ma sœur Françoise. Elle m’a glissé à l’oreille :
— Tu ne trouves pas qu’elle exagère un peu, ta belle-fille ?
J’ai hoché la tête sans répondre. Mais au fond, je ne savais plus quoi penser. Camille n’était pas méchante. Elle était même adorable avec les enfants et toujours prête à aider. Mais cette façon d’imposer ses règles…
Le lendemain matin, alors que je préparais le café en silence, Camille est entrée dans la cuisine.
— Hélène… Je peux te parler ?
J’ai senti mon cœur se serrer. Elle avait l’air sérieuse.
— Je sais que ça t’a surprise hier soir. Mais pour moi, c’est important que tout le monde participe. Je ne veux pas que tu te sentes obligée de tout faire…
J’ai soupiré.
— Tu sais, chez nous, ça ne s’est jamais fait comme ça. J’ai toujours vu ma mère courir partout pendant que les hommes discutaient tranquillement…
Camille a souri doucement.
— Justement. Peut-être qu’il est temps que ça change ? On peut aussi profiter ensemble…
Ses mots m’ont touchée plus que je ne voulais l’admettre. Mais en même temps, j’avais peur. Peur de perdre mes repères, peur que ma famille ne soit plus jamais comme avant.
La journée a continué dans une ambiance étrange. Gérard boudait un peu, Thomas faisait des efforts pour détendre l’atmosphère. Les enfants réclamaient des crêpes et Camille proposait d’en faire tous ensemble.
— Allez mamie ! Tu viens battre les œufs avec nous ?
Le rire des petits m’a désarmée. Je me suis retrouvée à côté de Camille, à battre les œufs en riant malgré moi.
Le soir venu, alors que tout le monde était repu et heureux, Gérard a pris la parole :
— Bon… Je dois avouer que c’était pas si mal finalement. On s’est bien marrés.
Thomas a levé son verre :
— À la nouvelle tradition familiale !
Tout le monde a applaudi. Même moi.
Mais au fond de moi, une question restait : est-ce vraiment si grave de changer nos habitudes ? Est-ce que ce n’est pas ça aussi, aimer sa famille : accepter d’évoluer ensemble ?
Et vous… seriez-vous prêts à bousculer vos traditions pour plus d’égalité à la maison ?