Un Noël pas comme les autres : Comment j’ai défendu Camille et bouleversé ma famille

— Tu as vu la tête qu’il a faite quand il a goûté la bûche ? On aurait dit qu’il découvrait le sucre !

La voix de ma sœur, Élodie, résonne dans la cuisine. Je suis figé dans le couloir, le plat de gratin encore brûlant entre les mains. Je n’aurais jamais dû m’arrêter, mais leurs rires étouffés m’ont cloué sur place. Ma mère, Françoise, ajoute à voix basse :

— Il est gentil, ton Camille, mais franchement… il ne fait pas très « Noël », tu trouves pas ?

Je sens une colère sourde monter en moi. Camille, mon compagnon depuis deux ans, s’est donné tant de mal pour organiser ce réveillon. Il a décoré l’appartement avec soin, cuisiné des plats traditionnels — même si ce n’est pas son fort — et s’est efforcé d’apprendre les petites habitudes de ma famille. C’était notre premier Noël ensemble, notre premier Noël chez nous. Et voilà que ceux qui devraient l’accueillir le jugent dans mon dos.

Je pose le plat sur la table du salon, un peu trop fort. Camille lève les yeux vers moi, inquiet. Il a ce sourire timide qui me serre le cœur.

— Tout va bien ?

Je hoche la tête sans répondre. Les autres arrivent, les bras chargés de cadeaux, les visages illuminés par l’odeur du sapin et du vin chaud. Mais je ne vois plus que leurs sourires hypocrites.

Le dîner commence dans une ambiance faussement joyeuse. Mon père, Gérard, lance des blagues sur la dinde trop sèche. Ma tante Sylvie compare la déco à celle de son salon « mais en moins chaleureux ». Camille rit poliment, mais je vois bien qu’il se force.

Au moment d’ouvrir les cadeaux, je sens que tout peut basculer. J’ai passé des heures à choisir pour chacun un présent qui leur ferait plaisir. Mais soudain, je n’en ai plus envie. Je regarde Camille, qui tend à Élodie un paquet soigneusement emballé.

— Merci Camille ! s’exclame-t-elle. Oh… des bougies parfumées…

Elle échange un regard complice avec ma mère. Je serre les poings sous la table.

Je me lève brusquement.

— Stop !

Tout le monde me regarde, surpris. Mon cœur bat à tout rompre.

— J’ai entendu ce que vous disiez tout à l’heure dans la cuisine. Je sais que vous vous moquez de Camille depuis qu’il est arrivé. Vous trouvez qu’il n’est pas assez ceci ou cela… Mais c’est lui qui a tout préparé ce soir. Lui qui s’est donné du mal pour vous faire plaisir.

Un silence glacial tombe sur la pièce. Ma mère rougit, Élodie détourne les yeux.

— Grégory… commence mon père d’une voix hésitante.

— Non papa ! Ce soir c’est chez nous. Et si vous ne pouvez pas respecter Camille, alors je préfère qu’on arrête là.

Camille me regarde, bouleversé. Je vois dans ses yeux une gratitude immense mêlée à de la tristesse.

Ma tante tente de détendre l’atmosphère :

— Allons Grégory, c’était juste pour rire…

— Eh bien moi ça ne me fait pas rire du tout !

Je prends la main de Camille et l’entraîne dans la chambre. Derrière nous, les voix s’élèvent, confuses.

Dans la chambre, Camille éclate en sanglots silencieux.

— Je suis désolé… Je voulais que tout soit parfait pour toi…

Je le serre contre moi.

— Ce n’est pas toi le problème. C’est eux qui doivent changer.

Nous restons là un long moment, blottis l’un contre l’autre pendant que dehors, les rires forcés se sont tus. Je sens que quelque chose vient de se briser — ou peut-être de naître — entre ma famille et moi.

Au bout d’un moment, on frappe timidement à la porte. C’est Élodie.

— Grégory… Camille… Je suis désolée. On a été cons. On voulait juste plaisanter mais… on n’a pas pensé à ce que ça pouvait faire.

Camille essuie ses larmes et hoche la tête sans un mot.

Ma mère arrive à son tour, visiblement émue.

— Je crois qu’on a tous des choses à apprendre ce soir…

Le reste de la soirée se passe dans une ambiance étrange mais plus sincère. Les cadeaux sont ouverts sans éclats de rire forcés. On parle moins fort mais on s’écoute davantage.

Quand tout le monde part enfin, je m’effondre sur le canapé avec Camille.

— Tu crois qu’ils ont compris ?

Il me sourit faiblement :

— Peut-être… Mais au moins toi tu as été là pour moi.

Ce Noël-là n’a pas été parfait. Mais il a été vrai. J’ai compris qu’aimer quelqu’un c’est aussi savoir poser des limites — même face à sa propre famille.

Est-ce qu’on doit toujours pardonner aux siens sous prétexte qu’ils sont de notre sang ? Ou faut-il parfois choisir ceux qu’on aime vraiment, même si ça dérange ? Qu’en pensez-vous ?