Sous le même toit, sous le même feu : Quand ma belle-mère a tout détruit

— Tu mens, Julien ! Je le sais, maman me l’a dit !

La voix de Lisa résonne encore dans l’entrée, tranchante comme une lame. Je suis là, debout, mon sac à la main, incapable de bouger. Je regarde autour de moi : les murs de notre appartement à Lyon, les photos de vacances, les souvenirs d’une vie à deux… tout s’effondre. Comment en sommes-nous arrivés là ?

Tout a commencé il y a un an, quand Françoise, la mère de Lisa, a perdu son logement à Villeurbanne. Lisa n’a pas hésité une seconde : « Elle viendra chez nous, c’est temporaire. » J’ai accepté, par amour. Mais dès le premier soir, j’ai senti le froid s’installer. Françoise m’a regardé comme si j’étais un intrus dans ma propre maison.

— Tu sais cuisiner au moins ?

Sa voix était pleine de sous-entendus. J’ai souri, maladroitement. J’ai voulu faire des efforts : lui préparer un café le matin, lui proposer de l’aider pour ses démarches administratives. Mais rien n’y faisait. Elle trouvait toujours quelque chose à redire.

— Lisa mérite mieux qu’un prof d’histoire au collège, tu sais…

Je faisais semblant de ne pas entendre. Mais chaque remarque s’infiltrait dans mon esprit comme du poison. Peu à peu, Lisa a changé. Elle passait plus de temps avec sa mère qu’avec moi. Elles chuchotaient dans la cuisine, s’arrêtaient de parler quand j’entrais.

Un soir, alors que je corrigeais des copies dans le salon, j’ai surpris une conversation :

— Tu ne vois pas qu’il te tire vers le bas ? Tu pourrais avoir mieux…
— Maman, arrête…
— Je veux juste ton bonheur.

J’ai voulu en parler à Lisa. Elle a haussé les épaules : « Tu te fais des idées. »

Mais les choses ont empiré. Françoise a commencé à recevoir du courrier à notre adresse. Elle a changé la disposition du salon sans me demander. Un matin, je me suis réveillé et elle avait jeté mes affaires du placard pour y mettre les siennes.

— C’est plus pratique comme ça.

J’ai senti la colère monter. Mais Lisa prenait toujours sa défense : « Elle est fatiguée, elle a tout perdu… »

Puis il y a eu l’incident du chéquier. Un prélèvement inconnu sur notre compte commun. J’ai interrogé Lisa :

— Tu as fait un achat chez Darty ?
— Non…

Françoise est entrée dans la pièce :

— C’est moi, j’avais besoin d’un nouveau micro-ondes. Lisa était d’accord.

Je n’étais au courant de rien. J’ai protesté :

— On aurait pu en parler !
— Tu exagères toujours tout, Julien.

La distance entre Lisa et moi grandissait. Je rentrais tard du collège pour éviter l’ambiance pesante à la maison. Un soir, j’ai trouvé mes affaires entassées dans un carton devant la porte de la chambre.

— Maman pense que tu devrais dormir sur le canapé quelques temps…

J’ai cru étouffer. J’ai appelé mon frère à Grenoble pour lui raconter. Il m’a conseillé de mettre les choses au clair avec Lisa.

Mais Françoise avait déjà tout prévu. Elle a commencé à raconter à Lisa que je la trompais avec une collègue du collège.

— Je l’ai vu envoyer des messages à une certaine Camille…

C’était faux. Camille était une collègue qui m’aidait à organiser un voyage scolaire.

Lisa ne voulait rien entendre :

— Pourquoi tu ne m’as rien dit pour ce voyage ?
— Parce que tu ne t’intéresses plus à rien de ce que je fais !

La dispute a éclaté. Les voisins ont dû entendre nos cris.

Quelques jours plus tard, Lisa m’a demandé de partir « quelques temps ». Françoise avait réussi : elle avait sa fille pour elle toute seule et moi, j’étais dehors.

Je me suis retrouvé sur le canapé d’un ami à Bron, perdu, vidé. J’ai essayé d’appeler Lisa, d’expliquer… Rien n’y faisait.

Un soir d’hiver, alors que je marchais seul sur les quais du Rhône, j’ai repensé à tout ce que j’avais perdu : ma femme, mon foyer, ma dignité. Comment une seule personne avait-elle pu tout détruire ? Est-ce que j’aurais dû me battre plus fort ? Ou bien partir dès le début ?

Aujourd’hui encore, je me demande : comment peut-on aimer quelqu’un et se laisser manipuler à ce point ? Est-ce que vous auriez agi différemment à ma place ?