Quand ma tante et mon cousin ont bouleversé ma vie : un avertissement que je n’ai pas su entendre

« Tu devrais faire attention, Camille. Tante Françoise et Julien vont s’installer chez toi. » Le message de ma sœur, Sophie, est tombé sur mon téléphone comme une pierre dans un lac tranquille. J’étais assise à la table de la cuisine, mon café refroidissant devant moi, le regard perdu sur les toits gris de Paris. J’ai relu le SMS trois fois, comme si les mots pouvaient changer. Mais non. C’était bien réel.

Je n’ai pas eu le temps de protester. Deux jours plus tard, Françoise débarquait avec ses valises, suivie de Julien, son fils de vingt ans, l’air renfrogné et les écouteurs vissés sur les oreilles. « Merci Camille, tu nous sauves la vie », a-t-elle soufflé en m’embrassant bruyamment sur la joue. Je n’ai rien dit. J’ai souri, par réflexe, mais au fond de moi, une angoisse sourde commençait à grandir.

Les premiers jours ont été étranges. Françoise passait son temps à critiquer l’appartement : « Tu n’as pas de vraie cafetière ? Tu vis vraiment comme ça ? » Julien, lui, ne sortait presque pas de la chambre d’amis, transformée en caverne d’ado. Il laissait traîner ses affaires partout, des canettes vides sous le lit, des chaussettes sales sur le canapé. J’essayais de garder mon calme. Après tout, c’était temporaire. Juste le temps que Françoise retrouve un logement après sa séparation difficile avec mon oncle Gérard.

Mais les semaines passaient et rien ne changeait. Pire : tout empirait. Françoise s’immisçait dans ma vie privée, commentant mes choix, mes fréquentations. Un soir, alors que je rentrais tard du travail, elle m’attendait dans le salon.

— Camille, tu devrais penser à te poser. À ton âge, tu devrais déjà avoir quelqu’un.

J’ai senti la colère monter.

— Je te rappelle que tu es chez moi, Françoise.

Elle a haussé les épaules, l’air blessé :

— Je dis ça pour ton bien.

Julien, lui, avait commencé à inviter ses amis sans me prévenir. Un samedi soir, je suis rentrée et j’ai trouvé l’appartement sens dessus dessous : bouteilles vides, mégots sur le balcon, musique à fond. J’ai explosé.

— Julien ! Ce n’est pas une résidence universitaire ici !

Il m’a regardée avec mépris :

— T’es pas ma mère.

Françoise a pris sa défense :

— Il traverse une période difficile. Sois indulgente.

J’ai eu envie de hurler. Mais j’ai ravaler mes mots. Je me suis enfermée dans ma chambre et j’ai pleuré en silence.

Sophie m’appelait souvent pour prendre des nouvelles.

— Tu tiens le coup ?

— Je ne sais pas combien de temps je vais supporter ça…

— Tu dois poser des limites, Camille. Sinon ils ne partiront jamais.

Mais comment poser des limites à sa propre famille ? En France, on dit souvent que la famille c’est sacré. Mais à quel prix ?

Les mois ont passé. Mon appartement n’était plus un refuge mais une prison. Je n’avais plus d’intimité. Même mes amis évitaient de venir me voir : « On ne veut pas déranger ta tante… »

Un soir d’hiver, j’ai craqué. J’ai trouvé Françoise en train de fouiller dans mes papiers.

— Qu’est-ce que tu fais ?

Elle a sursauté :

— Je cherchais juste une facture…

— Ce sont MES affaires ! Tu n’as pas à fouiller !

Julien est sorti de sa chambre en entendant nos voix.

— Arrête de crier sur maman !

J’ai éclaté :

— Ça suffit ! Vous devez partir ! Je ne peux plus vivre comme ça !

Le silence est tombé d’un coup. Françoise m’a regardée comme si je venais de la trahir.

— Après tout ce qu’on a vécu… Tu nous mets dehors ?

J’ai senti la culpabilité m’envahir. Mais il était trop tard pour reculer.

Ils sont partis deux semaines plus tard. L’appartement était vide, silencieux… trop silencieux. J’ai cru que je retrouverais enfin la paix. Mais il ne restait que le vide et la honte d’avoir « abandonné » ma famille.

Des mois après leur départ, les relations sont restées tendues. Sophie m’a soutenue :

— Tu as fait ce qu’il fallait. On ne peut pas se sacrifier pour tout le monde.

Mais parfois, la nuit, je repense à cette période et je me demande : aurais-je pu faire autrement ? Est-ce que la famille doit toujours passer avant soi ? Et vous, qu’auriez-vous fait à ma place ?