Quand Grégory a choisi sa mère : Mon combat pour retrouver ma voix
— Tu ne peux pas me faire ça, Grégory ! Pas maintenant, pas après tout ce qu’on a traversé !
Ma voix tremblait, résonnant dans le salon presque vide. Les cartons s’empilaient autour de moi, témoins silencieux de notre projet de nouvelle vie à Lyon. Je serrais la main d’Aria, notre fille de cinq ans, qui ne comprenait pas pourquoi papa et maman se disputaient encore. Grégory, debout devant la fenêtre, évitait mon regard. Sa mâchoire était crispée, ses poings serrés.
— Camille… Je t’en supplie, comprends-moi. Maman a besoin de moi. Depuis la mort de papa, elle est seule. Je ne peux pas la laisser comme ça.
Je sentais la colère monter en moi, brûlante et acide. Depuis des années, Valérie — ma belle-mère — s’immisçait dans notre vie. Toujours là à donner son avis sur tout : l’éducation d’Aria, nos finances, même la couleur des rideaux ! Mais jamais je n’aurais cru que Grégory choisirait sa mère plutôt que sa propre famille.
— Et moi ? Et Aria ? On compte pour du beurre ?
Il détourna les yeux. J’ai compris à cet instant que rien ne le ferait changer d’avis. Il resterait à Paris avec sa mère, et moi je partirais seule à Lyon avec notre fille. Un gouffre s’ouvrait sous mes pieds.
Le lendemain matin, j’ai bouclé les dernières valises. Aria pleurait dans sa chambre. Je suis allée la voir, m’agenouillant près d’elle.
— Maman… Papa vient pas avec nous ?
— Non, mon cœur. Mais on va s’en sortir toutes les deux, tu verras.
Je mentais. Je n’en savais rien. J’avais peur. Peur d’être seule, peur de ne pas y arriver, peur que Grégory ne revienne jamais.
Le trajet jusqu’à Lyon fut silencieux. Aria s’endormit rapidement dans la voiture. Moi, je fixais la route, les yeux embués de larmes. À chaque panneau qui m’éloignait de Paris, je sentais mon cœur se serrer un peu plus.
Les premières semaines à Lyon furent un enfer. Je jonglais entre mon nouveau travail à l’hôpital et la crèche d’Aria. Les soirs étaient les pires : l’appartement vide résonnait du silence laissé par l’absence de Grégory. Il appelait parfois Aria en visio, mais évitait soigneusement de me parler.
Un soir, alors que je rangeais les jouets d’Aria, mon téléphone vibra. Un message de Valérie :
« Camille, tu dois comprendre que Grégory fait ce qu’il peut. Il est fragile en ce moment. Essaie d’être plus compréhensive. »
J’ai failli exploser. Compréhensive ? Après tout ce que j’avais sacrifié ? Après avoir quitté mes amis, mon travail, ma vie à Paris pour suivre un projet commun ?
J’ai répondu sèchement :
« Merci Valérie pour vos conseils. Mais c’est votre fils qui a brisé notre famille. »
Les jours passaient et la colère laissait place à une tristesse profonde. Je me sentais trahie par l’homme que j’aimais et incomprise par ma belle-famille. Même mes parents, restés en Bretagne, me répétaient :
— Tu sais, Camille, la famille c’est compliqué… Peut-être qu’il reviendra.
Mais au fond de moi, quelque chose s’était brisé.
Un samedi matin pluvieux, alors qu’Aria dessinait dans le salon, j’ai reçu un appel inattendu de Grégory.
— Camille… Je voulais savoir si Aria va bien… Et toi ?
— On fait aller. Tu sais que tu me manques ?
— Je sais… Mais maman ne va pas bien du tout. Elle fait des crises d’angoisse depuis que papa est parti…
— Et moi alors ? Tu crois que je vais bien ? Tu crois qu’Aria va bien sans son père ?
Il y eut un long silence.
— Je suis désolé… Je ne sais plus quoi faire.
J’ai raccroché en larmes. J’avais besoin d’aide mais je ne voulais pas supplier Grégory de revenir. J’ai décidé d’aller voir une psychologue du quartier.
La première séance fut un choc :
— Camille, vous avez le droit d’être en colère. Vous avez le droit d’exiger du respect et du soutien.
Pour la première fois depuis des semaines, je me suis sentie écoutée.
Petit à petit, j’ai repris confiance en moi. J’ai rencontré des voisins formidables qui m’ont tendu la main : Sophie m’a invitée à dîner avec sa famille ; Marc a proposé d’emmener Aria au parc avec ses enfants le dimanche matin.
Un soir d’automne, alors qu’Aria dormait paisiblement et que je buvais un thé sur le balcon, Grégory m’a appelée.
— Camille… Je crois que j’ai fait une erreur. Maman va mieux maintenant. J’aimerais venir vous voir à Lyon…
Mon cœur battait la chamade. J’avais tant rêvé de ce moment… Mais soudain, je n’étais plus sûre de rien.
— Grégory… Tu es resté avec ta mère quand j’avais besoin de toi. Comment veux-tu que je te fasse confiance maintenant ?
Il a supplié, juré qu’il avait compris la leçon. Mais au fond de moi, une voix murmurait : « Et si ça recommençait ? »
J’ai accepté qu’il vienne passer un week-end avec nous pour voir Aria. Mais cette fois-ci, c’est moi qui posais les règles.
Le dimanche soir, après son départ pour Paris, j’ai regardé Aria jouer dans sa chambre et j’ai senti une fierté nouvelle m’envahir.
Est-ce qu’on peut vraiment reconstruire une famille après une telle trahison ? Ou faut-il apprendre à vivre pour soi-même avant tout ? Qu’en pensez-vous ?