Entre Deux Feux : Mon Mari Contre Ma Famille
— Tu ne comprends donc pas, Camille ? Je ne veux plus jamais les voir ici !
La voix d’Antoine résonne encore dans le salon, froide et tranchante comme une lame. Je serre la tasse de café entre mes mains tremblantes, le regard perdu sur les rideaux tirés. C’était un dimanche comme les autres, jusqu’à ce que tout bascule. Ma mère avait apporté une tarte aux pommes, mon père riait fort en racontant ses histoires de jeunesse. Et soudain, Antoine s’est levé, le visage fermé, et a lancé :
— Ça suffit ! Vous n’avez aucun respect pour notre intimité !
Le silence a été brutal. Ma mère a blêmi, mon père a baissé les yeux. Je n’ai rien compris sur le moment. Depuis trois ans qu’Antoine et moi vivons ensemble dans notre maison à Nantes, jamais je n’aurais imaginé une telle scène. Nous avions tout pour être heureux : un prêt immobilier qui nous liait, des projets de voyage, des soirées à refaire le monde. Mais ce jour-là, quelque chose s’est brisé.
Après le départ précipité de mes parents, j’ai tenté de comprendre.
— Antoine, qu’est-ce qui t’a pris ? Ils n’ont rien fait de mal !
Il a haussé les épaules, les mâchoires crispées.
— Ils s’immiscent trop dans notre vie. Ta mère me juge sans arrêt. Ton père croit tout savoir. Je n’en peux plus.
Je me suis sentie prise au piège. D’un côté, l’homme que j’aime, passionné mais imprévisible ; de l’autre, ma famille, chaleureuse mais parfois envahissante. J’ai grandi dans une maison où la porte était toujours ouverte, où les repas de famille étaient sacrés. Antoine, lui, a connu l’austérité d’un foyer où l’on ne disait pas « je t’aime ».
Les semaines ont passé. Antoine a interdit à mes parents de revenir chez nous. Il a changé la serrure sans m’en parler. J’ai tenté d’organiser des rencontres ailleurs : un café en ville, un pique-nique au parc. Mais il refusait systématiquement.
— Je ne veux plus avoir affaire à eux, Camille. C’est non négociable.
J’ai commencé à mentir à ma famille. À inventer des excuses pour expliquer l’absence d’Antoine aux anniversaires, aux fêtes de Noël. Ma mère m’appelait tous les soirs, la voix tremblante :
— Ma chérie, tu es sûre que tout va bien ? On ne veut pas te perdre…
Je rassurais comme je pouvais, mais la culpabilité me rongeait. J’ai perdu le sommeil. Je me réveillais en sursaut la nuit, hantée par le souvenir du regard blessé de mon père.
Un soir d’automne, alors que la pluie battait contre les vitres, j’ai craqué.
— Antoine, tu ne peux pas me demander de choisir entre toi et ma famille !
Il a détourné les yeux.
— Je ne te demande rien. Mais c’est eux ou moi.
J’ai éclaté en sanglots. Comment en étions-nous arrivés là ? Nous qui avions survécu à tant d’épreuves : la perte de son emploi l’an dernier, mes soucis de santé… Mais ce conflit-là était différent. Il était insidieux, il s’infiltrait dans chaque recoin de notre quotidien.
J’ai essayé d’en parler à mes amis. Chloé m’a prise dans ses bras :
— Tu ne peux pas vivre comme ça, Camille. Tu as le droit d’avoir ta famille près de toi.
Mais Antoine était intransigeant. Il surveillait mes messages, voulait savoir où j’allais à chaque sortie. Parfois, il s’excusait après une dispute, m’offrait des fleurs ou préparait mon plat préféré. Mais la tension restait palpable.
Un matin, j’ai reçu un message de ma sœur :
« Papa est à l’hôpital. Il demande après toi. »
Mon cœur s’est arrêté. J’ai sauté dans ma voiture sans réfléchir. À l’hôpital, mon père m’a serrée contre lui.
— Tu me manques, ma fille… On ne veut pas te perdre à cause de lui.
J’ai pleuré toutes les larmes de mon corps. J’ai compris que je ne pouvais plus continuer ainsi. Mais rentrer à la maison était devenu une épreuve. Antoine m’attendait dans le salon, les bras croisés.
— Tu étais où ?
— À l’hôpital avec mon père… Il va mal.
Il n’a rien répondu. Juste ce silence lourd qui disait tout.
Les jours suivants ont été un calvaire. Je vivais en apnée, partagée entre deux mondes irréconciliables. Je me suis surprise à rêver d’un ailleurs, d’une vie où je n’aurais pas à choisir.
Un soir, alors que je rangeais la vaisselle, Antoine est venu derrière moi.
— Tu comptes rester avec moi ou retourner chez tes parents ?
J’ai levé les yeux vers lui. Pour la première fois depuis longtemps, j’ai vu la peur dans son regard. La peur de me perdre.
— Je t’aime, Antoine… Mais je ne peux pas renier ceux qui m’ont tout donné.
Il a baissé la tête. Un long silence s’est installé entre nous.
Aujourd’hui encore, je ne sais pas quelle décision prendre. L’amour peut-il survivre à une telle fracture ? Est-ce à moi de réparer ce qui a été brisé ? Ou dois-je enfin penser à moi ?
Et vous… Que feriez-vous à ma place ? Peut-on vraiment choisir entre son amour et sa famille ?