Pourquoi j’ai dû couper les ponts avec ma propre mère : Histoire d’une trahison familiale et de la reconstruction de soi
« Tu n’as jamais su aimer, Lucie. C’est pour ça qu’il est parti. »
Les mots de ma mère claquent encore dans ma tête comme une gifle. Je suis debout dans la cuisine de son appartement à Lyon, les mains tremblantes autour d’une tasse de thé froid. Elle me regarde, le visage fermé, les bras croisés, comme si elle jugeait un procès dont je suis l’unique accusée. Mon ex-mari, Antoine, vient de partir avec nos deux enfants pour le week-end. Et moi, je suis seule face à celle qui m’a donné la vie, mais qui aujourd’hui me la retire morceau par morceau.
« Tu crois vraiment que c’est moi la coupable ? » Ma voix se brise. J’ai l’impression d’être redevenue une petite fille, cherchant désespérément l’approbation de ma mère. Mais elle détourne le regard vers la fenêtre, comme si la pluie sur les toits de la ville était plus digne d’intérêt que ma détresse.
« Antoine est un homme bien. Tu n’as jamais su le comprendre. »
Je sens mes jambes fléchir. Je m’assois lourdement sur une chaise, le cœur au bord des lèvres. Depuis des mois, mon mariage s’effondre. Antoine a trouvé du réconfort ailleurs, et moi je me bats pour garder la tête hors de l’eau. Mais ce qui me fait le plus mal, ce n’est pas la trahison d’Antoine. C’est celle de ma propre mère.
Tout a commencé il y a un an, quand Antoine a perdu son emploi. Il est devenu irritable, distant. Je faisais tout pour l’aider, mais il me rejetait sans cesse. Un soir, il n’est pas rentré. J’ai attendu, seule dans notre appartement du 7ème arrondissement, les enfants endormis dans leur chambre. Quand il est revenu à l’aube, il sentait l’alcool et le parfum d’une autre femme.
J’ai voulu en parler à ma mère. Je croyais qu’elle me soutiendrait, qu’elle comprendrait ma douleur. Mais elle a pris parti pour lui. « Tu travailles trop, Lucie. Tu n’es jamais là pour lui. »
J’ai encaissé. J’ai essayé de sauver mon couple, pour mes enfants, pour cette famille que j’avais tant rêvée. Mais Antoine a continué à s’éloigner, jusqu’à demander le divorce. Et ma mère ? Elle a invité Antoine à dîner, elle a gardé les enfants pour lui pendant que moi je croulais sous le travail et les démarches administratives.
Un soir d’hiver, alors que je venais récupérer mes enfants chez elle, j’ai surpris une conversation entre ma mère et Antoine.
— Tu sais, Lucie ne va pas bien… Elle a besoin d’aide.
— Elle dramatise tout, tu sais comment elle est.
— Oui… Elle a toujours été trop sensible.
J’ai senti mon cœur se briser en mille morceaux. Ma propre mère minimisait ma souffrance devant l’homme qui m’avait trahie.
Les semaines ont passé. Les tensions se sont accumulées. Ma mère m’appelait moins souvent ; quand je venais chercher mes enfants, elle avait toujours un mot pour défendre Antoine ou critiquer mes choix : « Tu devrais être plus patiente », « Tu ne penses qu’à toi », « Tu fais passer ta carrière avant ta famille ».
Un jour, alors que je déposais mes enfants chez elle avant d’aller travailler à l’hôpital (je suis infirmière), elle m’a lancé :
« Tu sais, Antoine m’a dit que tu voyais quelqu’un… C’est vrai ? »
J’ai senti la colère monter en moi.
« Et si c’était vrai ? Est-ce que ça changerait quelque chose ? »
Elle a haussé les épaules :
« Tu fais ce que tu veux… Mais pense aux enfants. »
Toujours ce reproche voilé, cette façon de me faire sentir coupable d’exister autrement que dans le rôle parfait de mère et d’épouse sacrifiée.
La goutte d’eau est arrivée un dimanche après-midi. J’étais venue chercher mes enfants après leur week-end chez Antoine. Ma mère était là, assise dans le salon avec lui et les enfants. Ils riaient tous ensemble. Quand je suis entrée, le silence s’est fait.
Antoine s’est levé :
« On parlait justement de toi… »
Ma mère a ajouté :
« Antoine pense que tu devrais consulter quelqu’un. Pour ta nervosité… »
J’ai éclaté :
« Vous vous rendez compte de ce que vous faites ? Vous parlez de moi comme si je n’étais pas là ! »
Ma mère s’est levée à son tour :
« Lucie, tu dois accepter que tu as des torts ! »
J’ai pris mes enfants par la main et je suis partie sans me retourner.
Ce soir-là, j’ai pleuré toutes les larmes de mon corps. J’ai compris que je ne pouvais plus continuer ainsi. J’ai écrit une lettre à ma mère :
« Maman,
Je t’aime mais je ne peux plus supporter ta trahison. J’ai besoin de prendre soin de moi et de mes enfants sans ton jugement constant. Peut-être qu’un jour tu comprendras ma douleur. Mais aujourd’hui, je dois penser à moi. »
Depuis ce jour, je n’ai plus eu de nouvelles d’elle. Parfois je culpabilise ; parfois je me sens soulagée. Je réapprends à vivre pour moi-même, à aimer mes enfants sans avoir peur du regard des autres.
Mais chaque soir, en couchant mes enfants, une question me hante :
Est-ce qu’on peut vraiment se reconstruire quand ceux qui devraient nous aimer le plus sont ceux qui nous blessent le plus ? Est-ce que pardonner signifie forcément tout accepter ? Qu’en pensez-vous ?