Ma mère a tendu la main à mon ex-femme, mais refuse d’aider ma nouvelle épouse : le poids des choix et des rancœurs familiales

« Tu n’as qu’à demander à ta mère, elle a toujours préféré Camille ! » La voix de Lucie résonne dans la petite cuisine de notre appartement de Créteil, tremblante de colère et de fatigue. Je serre les poings sur la table, incapable de répondre. Elle a raison, mais je ne peux pas l’admettre. Pas ce soir, pas alors que le frigo est presque vide et que la lettre d’expulsion traîne encore sur le buffet.

Je m’appelle Étienne, j’ai trente-huit ans, et je suis en train de perdre pied. Il y a cinq ans, j’ai quitté Camille après douze ans de mariage. Une histoire banale : la routine, les disputes, puis la rencontre avec Lucie, plus jeune, pleine de rêves. J’ai cru que tout serait plus simple, plus léger. Mais la vie n’a rien d’un conte de fées.

Ma mère, Françoise, n’a jamais digéré mon divorce. « Camille était une perle », répète-t-elle à qui veut l’entendre. Elle l’a soutenue pendant la séparation, l’a hébergée avec nos deux enfants, Paul et Juliette, le temps qu’elle retrouve un logement. Moi ? J’ai eu droit à des silences lourds et des regards accusateurs.

Aujourd’hui, Lucie et moi sommes au bord du gouffre. Après la fermeture de la librairie où elle travaillait et mon licenciement économique chez Renault, nous avons tout perdu en quelques mois. Les aides sociales ne suffisent plus. J’ai donc pris mon courage à deux mains et appelé ma mère.

— Maman… Est-ce que Lucie et moi on pourrait venir quelques temps chez toi ? Juste le temps de se retourner…

Un silence glacial. Puis sa voix, sèche :

— Tu sais très bien que ce n’est pas possible. Je n’ai pas de place pour… pour vous deux.

— Mais tu as bien hébergé Camille et les enfants…

— Ce n’est pas pareil ! Camille faisait partie de la famille. Lucie…

Elle laisse sa phrase en suspens. Je sens la colère monter.

— Lucie est ma femme !

— C’est ton choix, Étienne. Assume-le.

J’ai raccroché sans un mot. Depuis, Lucie m’en veut. Elle me reproche d’avoir tout gâché avec Camille, d’avoir précipité notre vie dans cette galère. Parfois, je me demande si elle n’a pas raison.

Le soir même, Paul m’appelle. Il a seize ans maintenant, il vit chez sa mère mais vient parfois le week-end.

— Papa… Maman dit que tu vas mal en ce moment. Tu veux qu’on se voie ?

Sa voix hésite. Je sens qu’il a peur de prendre parti. Je lui dis que oui, bien sûr, mais au fond je sais qu’il préfère rester chez sa mère, là où tout est stable.

Les jours passent. Lucie s’enferme dans le silence ou les reproches. Un matin, elle explose :

— Pourquoi ta mère me déteste ? Qu’est-ce que je lui ai fait ?

Je n’ai pas de réponse. Peut-être qu’elle ne me pardonne pas d’avoir détruit ce qu’elle croyait être une famille idéale. Peut-être qu’elle voit en Lucie la cause de tous nos malheurs.

Un dimanche pluvieux, je décide d’aller voir ma mère sans prévenir. Elle habite toujours dans notre vieille maison de banlieue, celle où j’ai grandi. Elle m’ouvre la porte à peine entrouverte.

— Qu’est-ce que tu veux ?

— Maman… On a besoin d’aide. Juste un peu de temps…

Elle soupire.

— Tu sais ce que tu as fait à Camille ? Tu l’as laissée seule avec deux enfants ! Si je ne l’avais pas aidée, elle aurait fini à la rue ! Et maintenant tu veux que j’aide Lucie ? Tu crois que c’est facile pour moi ?

Je baisse les yeux.

— Je sais que j’ai fait des erreurs…

Elle me regarde longuement.

— On ne peut pas toujours réparer ce qu’on casse, Étienne.

Je repars sous la pluie, vidé. Sur le chemin du retour, je repense à tout ce que j’ai perdu : ma famille unie, mes enfants qui s’éloignent, ma mère qui ne me reconnaît plus.

À la maison, Lucie m’attend sur le canapé.

— Alors ?

Je secoue la tête.

Elle éclate en sanglots.

— On va finir à la rue…

Je m’assois près d’elle et prends sa main.

— On va trouver une solution… Je te le promets.

Mais au fond de moi, je doute. J’ai l’impression d’être puni pour mes choix passés. Est-ce que j’aurais dû rester avec Camille ? Est-ce que le bonheur existe vraiment après avoir tout détruit ?

Quelques jours plus tard, Juliette m’envoie un message : « Papa, tu me manques. » Je fonds en larmes devant l’écran. Peut-être que tout n’est pas perdu.

Mais comment reconstruire quand tout le monde vous tourne le dos ? Est-ce qu’on mérite une seconde chance quand on a blessé ceux qu’on aime ?

Et vous, qu’auriez-vous fait à ma place ? Peut-on vraiment réparer les erreurs du passé ou faut-il apprendre à vivre avec ?