C’est fini, il a dit. J’ai accepté… puis je l’ai vu avec ma meilleure amie
— C’est fini, Camille.
La voix de Paul résonne encore dans ma tête, froide, tranchante, comme un couperet. Je me souviens de ce soir-là, dans notre petit appartement du 11ème arrondissement, la pluie battant contre les vitres. J’étais rentrée plus tôt du travail, fatiguée mais heureuse de le retrouver. Il était assis sur le canapé, les yeux fuyants, les mains crispées sur son téléphone.
— Juste comme ça ? Tu es prêt à rompre sans même me demander pourquoi ?
Il a haussé les épaules, détourné le regard. J’ai senti la colère monter en moi, mais aussi une immense tristesse. Après trois ans ensemble, il me quittait sans un mot d’explication. J’ai accepté, la gorge nouée, pensant que c’était la meilleure chose à faire. Peut-être que j’avais raté quelque chose, peut-être que je n’étais pas assez… Je n’ai pas pleuré devant lui. J’ai attendu qu’il parte pour m’effondrer.
Le lendemain, j’ai appelé Élise, ma meilleure amie depuis le lycée. Elle a décroché d’une voix enjouée :
— Allô Camille ! Ça va ?
J’ai hésité à lui parler de la rupture. Je ne voulais pas qu’elle s’inquiète ou qu’elle pense que j’étais faible. Mais elle a insisté :
— Tu as une voix bizarre… Qu’est-ce qui se passe ?
Alors j’ai tout déballé. Elle a juré contre Paul, m’a promis qu’on sortirait boire un verre pour me changer les idées. Sa voix m’a réconfortée. Je me suis sentie moins seule.
Les jours ont passé. Au travail, mes collègues ont remarqué mon air absent. Même mon chef, Monsieur Lefèvre, d’habitude si distant, m’a demandé si tout allait bien. Je me suis réfugiée dans le boulot, les dossiers à traiter, les réunions interminables.
Un soir, alors que je rentrais chez moi après une longue journée, j’ai décidé de passer par le café où Élise et moi avions nos habitudes. J’espérais la croiser, rire un peu, oublier Paul. Mais en poussant la porte du bistrot, mon cœur s’est arrêté.
Paul était là. Avec Élise.
Ils riaient ensemble, assis côte à côte dans la lumière tamisée. Il lui tenait la main. Mon sang n’a fait qu’un tour. Je suis restée figée sur le seuil, incapable d’avancer ou de reculer.
Élise m’a vue la première. Son sourire s’est figé. Paul a tourné la tête et son visage est devenu livide.
— Camille…
J’ai senti mes jambes flancher. J’ai voulu crier, pleurer, tout casser. Mais aucun son n’est sorti de ma bouche.
— Tu… tu étais au courant ? ai-je murmuré à Élise.
Elle a baissé les yeux.
— Je suis désolée… Ce n’était pas prévu…
Paul s’est levé brusquement :
— Camille, écoute-moi…
Je l’ai coupé :
— Non ! Tu ne m’as pas donné d’explication quand tu es parti. Tu ne m’en donneras pas maintenant !
Je suis sortie en courant sous la pluie battante. Les gouttes se mêlaient à mes larmes. J’ai marché longtemps dans les rues de Paris, sans but, sans savoir où aller.
Chez moi, j’ai appelé ma mère. Sa voix douce m’a apaisée :
— Ma chérie, tu dois penser à toi maintenant. Les gens changent… parfois ils nous déçoivent. Mais tu es forte.
Mais étais-je vraiment forte ? Les jours suivants ont été un enfer. Au travail, je faisais semblant d’aller bien. À la maison, je tournais en rond dans mon petit salon vide. Les souvenirs de Paul étaient partout : sa tasse préférée dans l’évier, son pull oublié sur une chaise…
Un soir, Élise est venue frapper à ma porte. Je ne voulais pas lui ouvrir mais elle a insisté :
— Camille… laisse-moi t’expliquer.
Je l’ai laissée entrer à contrecœur.
— Je ne voulais pas te trahir… Paul est venu me voir après votre rupture. Il était perdu… On a parlé des heures… Et puis c’est arrivé… Je ne sais pas comment te demander pardon.
Je l’ai regardée longtemps sans rien dire. J’aurais voulu la haïr mais je n’y arrivais pas complètement. Nous avions partagé tant de choses… Mais comment pardonner une telle trahison ?
Ma famille a pris parti pour moi. Mon frère Julien voulait aller « casser la gueule » à Paul. Ma sœur Sophie m’a invitée chez elle pour le week-end à Lyon :
— Viens respirer un peu d’air frais ! Paris te fait du mal en ce moment.
J’y suis allée. Loin de tout, j’ai commencé à réfléchir à ce que je voulais vraiment. Reprendre ma vie en main ? Pardonner ? Tourner la page ?
De retour à Paris, j’ai décidé de changer d’appartement. J’ai vendu les affaires de Paul sur Le Bon Coin et repeint les murs en jaune soleil. Petit à petit, j’ai repris goût aux petites choses : un café en terrasse place de la République, un livre lu sous les arbres du parc des Buttes-Chaumont…
Paul a essayé de me recontacter plusieurs fois. Des messages laissés sur mon répondeur :
— Camille… Je suis désolé… J’ai été lâche…
Mais je n’ai jamais répondu.
Élise aussi a tenté de renouer le contact. Un jour elle m’a écrit une longue lettre où elle me racontait ses regrets et ses remords.
Aujourd’hui encore je ne sais pas si je pourrai lui pardonner un jour. Mais j’avance.
Parfois je me demande : pourquoi est-ce toujours ceux qu’on aime le plus qui nous blessent le plus profondément ? Est-ce que la confiance se reconstruit vraiment après une telle trahison ? Qu’en pensez-vous ?