« Mon mari m’a trahie : entre colère, amour et renaissance »
— Tu comptes me dire qui est cette Élodie ou je dois deviner ?
Ma voix tremblait, mais je refusais de baisser les yeux. Julien, mon mari depuis douze ans, était assis en face de moi dans notre salon, le regard fuyant, triturant nerveusement la télécommande. Il faisait nuit noire dehors ; les lumières de la rue filtraient à peine à travers les rideaux. J’avais découvert son secret par hasard, en tombant sur des messages sur son téléphone. Des mots doux, des promesses, des « je t’aime » envoyés à une autre femme. Élodie. Un prénom banal, mais qui venait de faire exploser mon univers.
— Camille, ce n’est pas ce que tu crois…
Il avait osé. J’ai éclaté de rire, un rire amer qui m’a surprise moi-même.
— Ah bon ? Parce que moi, je crois que tu as dit à Élodie que tu allais la rejoindre à Lyon dans trois jours. Que tu ne supportais plus ta vie ici. Que tu l’aimais.
Il s’est levé brusquement, faisant tomber la télécommande. Je l’ai vu hésiter, comme s’il cherchait une issue de secours. Mais il n’y en avait pas. Pas cette fois.
Je me suis revue, dix-sept ans plus tôt, jeune fille naïve rêvant d’un amour absolu. Julien était arrivé dans ma vie comme une évidence. Il avait vingt ans, un sourire désarmant et cette façon de me regarder comme si j’étais la seule au monde. Nous avions grandi ensemble, traversé les galères d’étudiants à Lille, puis les premiers boulots précaires. On s’était soutenus, aimés fort, parfois trop fort.
Mais la routine s’était installée. Les enfants — Lucie et Paul — avaient tout bouleversé. Les nuits blanches, les disputes pour des broutilles, les silences lourds après le dîner. J’avais parfois l’impression d’être devenue invisible.
— Camille… Je suis désolé. Je ne voulais pas que ça arrive comme ça.
Sa voix était faible. Je l’ai regardé longtemps, cherchant dans ses yeux l’homme que j’avais aimé. Mais je ne voyais qu’un étranger.
— Tu l’aimes ?
Il n’a pas répondu tout de suite. Ce silence a été pire que tout.
— Je crois… Je ne sais pas…
J’ai senti mes jambes flancher. J’ai pensé à nos enfants qui dormaient à l’étage, à notre maison achetée à crédit, aux vacances annulées faute d’argent. À tous ces sacrifices faits pour nous deux.
— Tu crois ? Tu ne sais pas ? Mais tu lui as promis de partir avec elle !
J’ai hurlé sans m’en rendre compte. J’avais envie de tout casser, de lui jeter au visage ma douleur et ma colère. Mais je me suis retenue. Pour Lucie et Paul. Pour moi aussi.
Il s’est assis sur le canapé, la tête entre les mains.
— Je suis paumé, Camille… J’ai l’impression d’étouffer ici. Je ne voulais pas te blesser.
J’ai éclaté en sanglots. Tout ce que j’avais construit s’effondrait en une soirée.
Le lendemain matin, j’ai fait semblant devant les enfants. J’ai préparé le petit-déjeuner comme d’habitude, souri à Lucie quand elle m’a montré son dessin pour l’école. Julien est parti travailler sans un mot.
J’ai passé la journée à errer dans la maison vide. J’ai appelé ma sœur, Sophie.
— Tu dois penser à toi maintenant, Camille. Tu ne peux pas continuer comme ça.
Mais comment penser à moi quand tout mon monde tournait autour de lui ?
Le soir venu, Julien est rentré plus tôt que d’habitude. Il avait les yeux rouges.
— Camille… Je vais partir quelques jours chez mon frère à Bordeaux. Il faut qu’on réfléchisse.
J’ai hoché la tête sans rien dire. Il a fait sa valise en silence pendant que je rangeais la cuisine.
Quand il est parti, j’ai ressenti un mélange de soulagement et de vide immense.
Les jours suivants ont été un enfer. Les enfants posaient des questions :
— Papa revient quand ?
Je mentais mal :
— Il a du travail loin d’ici…
J’ai commencé à écrire dans un carnet tout ce que je ressentais : la colère, la tristesse, la peur de l’avenir. J’ai aussi repensé à mes rêves d’adolescente : devenir journaliste, voyager… Où étaient passés ces rêves ?
Un soir, alors que je rangeais le grenier, je suis tombée sur une vieille boîte remplie de lettres et de photos de nous deux jeunes et insouciants. J’ai pleuré toutes les larmes de mon corps.
Puis j’ai pris une décision : je n’allais pas me laisser détruire par cette trahison.
J’ai appelé une avocate spécialisée en droit de la famille à Lille pour me renseigner sur mes droits en cas de divorce. J’ai aussi pris rendez-vous avec une psychologue pour m’aider à y voir plus clair.
Julien m’a envoyé des messages :
« Je suis désolé… Je ne sais pas ce que je veux… Les enfants me manquent… »
Mais il n’a jamais dit qu’il voulait revenir pour moi.
Un soir, Lucie m’a demandé :
— Maman, pourquoi tu pleures ?
Je lui ai répondu :
— Parfois les grandes personnes sont tristes, mais ça va passer.
J’ai compris alors que je devais être forte pour eux — mais aussi pour moi-même.
Après trois semaines d’absence, Julien est revenu pour parler. Nous nous sommes assis face à face dans la cuisine.
— Camille… Je crois qu’on s’est perdus tous les deux. Je ne sais pas si on peut recoller les morceaux.
Je l’ai regardé longtemps avant de répondre :
— Peut-être qu’on doit apprendre à vivre séparément pour se retrouver soi-même.
Il a acquiescé en silence.
Aujourd’hui, six mois plus tard, je vis seule avec les enfants dans notre maison à Lille. Ce n’est pas facile tous les jours — il y a des moments où la solitude me pèse terriblement — mais j’apprends peu à peu à me reconstruire. J’ai repris des études par correspondance pour devenir journaliste comme je le rêvais adolescente.
Parfois je me demande : comment peut-on survivre à une telle trahison ? Est-ce qu’on peut vraiment refaire confiance un jour ? Et vous, qu’auriez-vous fait à ma place ?