Ce n’est plus l’homme que j’ai épousé : Quand les frustrations de mon mari détruisent notre mariage
« Tu pourrais au moins faire un effort, Isabelle ! » La voix de François résonne dans la cuisine, tranchante comme un couteau. Je serre la poignée de la casserole, tentant de retenir mes larmes. Les enfants, Lucas et Léa, jouent dans le salon, inconscients de la tempête qui gronde entre leurs parents.
Je me demande comment on en est arrivés là. Il y a dix ans, François me faisait rire aux éclats sur les quais de la Seine. Il m’appelait sa lumière, et je croyais sincèrement qu’on était invincibles. Mais aujourd’hui, chaque mot semble peser une tonne. Sa mère, Madame Dubois, s’est installée chez nous « temporairement » après sa chute l’hiver dernier. Depuis, elle ne cesse de critiquer ma façon de tenir la maison, de cuisiner, d’élever les enfants. François ne dit rien. Pire : il prend souvent son parti.
« Tu sais bien que maman n’aime pas quand tu fais des pâtes le soir », me lance-t-il encore ce soir-là. Je ravale ma colère. « Et toi, tu aimes ça ? » Il détourne le regard, gêné. « Ce n’est pas la question. »
La question, c’est que je ne reconnais plus l’homme que j’ai épousé. François rentre du travail fatigué, irritable. Il ne me regarde plus comme avant. Parfois, je surprends son regard vide, perdu dans ses pensées. J’essaie de lui parler, mais il se ferme comme une huître.
Un soir, alors que les enfants dorment, je tente une dernière fois :
— François, qu’est-ce qui ne va pas ? On ne se parle plus…
Il soupire profondément.
— Je suis fatigué, Isa. Fatigué de tout ça…
— De quoi ? De moi ?
Il ne répond pas tout de suite. Je sens son hésitation.
— Non… Je ne sais pas… Peut-être…
Cette phrase me transperce. Je me lève brusquement et quitte la pièce avant qu’il ne voie mes larmes couler.
Les jours passent et se ressemblent. Madame Dubois s’immisce dans chaque décision : « Isabelle, tu devrais mettre un pull à Léa, il fait froid », « Lucas a besoin d’un vrai goûter, pas ces biscuits industriels ». Je me sens étrangère dans ma propre maison.
Un samedi matin, alors que je prépare le petit-déjeuner, j’entends François et sa mère parler à voix basse dans le couloir.
— Elle n’a jamais été très organisée, tu sais…
— Je sais maman, mais c’est compliqué…
Je serre les dents. Je voudrais hurler qu’ils n’ont qu’à se débrouiller sans moi ! Mais je me tais. Pour les enfants.
Lucas tombe malade en février. Je passe des nuits blanches à veiller sur lui. François dort dans le salon pour « ne pas être dérangé ». Quand je lui demande un peu d’aide, il hausse les épaules :
— Tu es plus douée que moi pour ça.
Je me sens seule. Épuisée. Parfois, je rêve de tout quitter. Mais où irais-je ? Mes parents sont loin, en Bretagne. Ici à Lyon, je n’ai que lui… et sa mère.
Un soir d’avril, alors que je range la chambre des enfants, Léa me regarde avec ses grands yeux tristes :
— Maman, pourquoi tu pleures tout le temps ?
Je m’effondre à genoux devant elle et la serre fort contre moi.
— Ce n’est rien ma chérie… Maman est juste fatiguée.
Mais ce n’est pas vrai. Je suis brisée.
Le lendemain matin, je décide d’écrire une lettre à François. Je lui dis tout : ma solitude, mon impression d’être invisible, mon amour qui s’étiole chaque jour un peu plus sous le poids des reproches et du silence. Je laisse la lettre sur son oreiller.
Il rentre tard ce soir-là. Je fais semblant de dormir quand il entre dans la chambre. J’entends le froissement du papier, puis un long silence. Il s’assoit au bord du lit.
— Isa… Je suis désolé…
Sa voix tremble. Il pose sa main sur mon épaule.
— Je ne sais plus comment faire… J’ai l’impression d’être nul partout : au travail, à la maison… Maman me met la pression aussi…
Pour la première fois depuis longtemps, il pleure devant moi.
— Pourquoi tu ne m’as rien dit ?
— J’avais peur que tu partes…
Je prends sa main dans la mienne. Nous restons là, silencieux, deux naufragés accrochés l’un à l’autre au milieu de la tempête.
Mais le lendemain matin, rien n’a vraiment changé. Madame Dubois continue ses remarques acerbes. François essaie d’être plus présent mais retombe vite dans ses vieux travers dès qu’il est stressé ou fatigué.
Je comprends alors que l’amour ne suffit pas toujours à réparer ce qui est brisé. Que faire quand on ne reconnaît plus celui qu’on a aimé ? Faut-il rester pour les enfants ou partir pour se retrouver soi-même ?
Parfois je me demande : combien de femmes vivent cette solitude silencieuse derrière les murs de leur maison ? Est-ce que l’on doit tout sacrifier pour sauver un mariage qui nous détruit peu à peu ? Qu’en pensez-vous ?