« Je ne veux pas être maman ! » – La confession de ma fille qui a bouleversé notre famille
« Maman, je suis enceinte. Mais je ne veux pas être maman. »
Ces mots, prononcés par Camille, ma fille de dix-sept ans, ont résonné dans la cuisine comme un coup de tonnerre. Je me suis figée, la main serrée sur la tasse de thé qui tremblait entre mes doigts. Camille, les yeux rougis, le visage ravagé par les larmes, attendait ma réaction. Mon mari, François, s’est levé brusquement de sa chaise, la faisant grincer sur le carrelage. Il a balbutié :
— Qu’est-ce que tu racontes, Camille ? Ce n’est pas possible…
Camille a secoué la tête, les bras croisés sur sa poitrine comme pour se protéger. Je me suis approchée d’elle, tentant de la prendre dans mes bras, mais elle s’est reculée, farouche.
— Je ne veux pas de cet enfant, maman. Je veux vivre, sortir, voyager… Je ne veux pas être coincée à dix-sept ans avec un bébé. Je ne suis pas prête. Je ne veux pas !
J’ai senti la colère monter en moi, mêlée à une peur viscérale. Comment ma fille, si studieuse, si raisonnable, avait-elle pu se retrouver dans cette situation ? Et pourquoi me rejetait-elle ainsi, moi qui avais tout sacrifié pour elle ?
François, lui, s’est effondré sur la chaise, la tête dans les mains. Le silence s’est abattu, lourd, oppressant. J’ai cherché mes mots, mais rien ne sortait. Camille a continué, la voix tremblante :
— Je sais que j’ai fait une erreur. Mais je ne veux pas qu’on me force à être mère. Je veux décider de ma vie.
La nuit qui a suivi a été la plus longue de ma vie. J’ai tourné en rond dans notre appartement de Lyon, incapable de dormir. Les souvenirs de ma propre jeunesse me sont revenus, mes rêves abandonnés pour élever Camille, les disputes avec ma mère qui ne comprenait pas mes choix. Était-ce donc un cycle qui se répétait ?
Le lendemain, j’ai tenté d’en parler à François. Il était furieux, persuadé que Camille devait assumer ses responsabilités.
— On ne peut pas effacer ses erreurs comme ça, a-t-il lancé. Elle doit affronter les conséquences !
Mais moi, je voyais la détresse de ma fille. Je voyais aussi la société qui juge, les voisins qui chuchotent, les regards dans la cour du lycée. J’ai pensé à l’avortement, à la honte, à la peur. J’ai pensé à la solitude de Camille, à son avenir brisé si elle était contrainte de garder cet enfant.
Camille s’est enfermée dans sa chambre, refusant de manger, de parler. Je l’entendais pleurer la nuit. Un matin, je me suis assise à côté d’elle sur son lit. Elle m’a regardée, les yeux gonflés.
— Tu m’en veux ?
J’ai pris sa main, hésitante.
— Non, ma chérie. Je t’aime. Mais je ne sais pas quoi faire. Je veux juste que tu sois heureuse…
Elle a éclaté en sanglots, se jetant dans mes bras. Pour la première fois, j’ai compris que ce n’était pas seulement une question de morale ou de responsabilité. C’était une question de choix, de liberté, de respect.
Nous avons pris rendez-vous au Planning Familial. L’assistante sociale nous a reçues avec bienveillance. Camille a pu parler, exprimer ses peurs, ses envies. J’ai écouté, impuissante, mais présente. François a refusé de venir. Il s’est enfermé dans le silence, fuyant la réalité.
Les jours ont passé, rythmés par les disputes, les pleurs, les silences. Ma mère, Simone, a débarqué un soir, furieuse d’apprendre la nouvelle par une voisine.
— Dans notre temps, on assumait ! On ne jetait pas la vie comme un vieux mouchoir !
J’ai tenté de lui expliquer, mais elle n’a rien voulu entendre. Camille s’est sentie encore plus seule, incomprise. J’ai vu dans ses yeux la peur de décevoir, la honte d’être jugée.
Un soir, alors que je préparais le dîner, Camille est venue me voir. Elle avait pris sa décision.
— Maman, je vais avorter. Je ne veux pas de cette vie-là. Je veux finir mes études, voyager, tomber amoureuse pour de vrai… Je ne veux pas être une mère malheureuse, ni rendre malheureux un enfant non désiré.
J’ai pleuré avec elle. J’ai pleuré pour elle, pour moi, pour toutes les femmes qui doivent choisir entre leurs rêves et les attentes des autres. François a mis du temps à accepter. Il a fallu des semaines de discussions, de cris, de silences. Mais peu à peu, il a compris. Il a vu la détresse de sa fille, sa détermination.
Le jour de l’intervention, j’ai accompagné Camille à la clinique. Dans la salle d’attente, elle m’a serré la main très fort.
— Tu crois que je suis une mauvaise personne ?
J’ai secoué la tête, les larmes aux yeux.
— Non, ma chérie. Tu es courageuse. Tu fais ce que tu crois juste pour toi. C’est ça, être adulte.
Après l’intervention, Camille a mis du temps à retrouver le sourire. Mais elle a repris le lycée, a retrouvé ses amis. Notre famille a changé. Nous avons appris à parler, à écouter, à respecter les choix de chacun. Ce drame nous a brisés, mais il nous a aussi rapprochés.
Aujourd’hui, je me demande : qu’aurais-je fait à sa place ? Aurais-je eu son courage ? Et vous, que feriez-vous si votre enfant vous faisait une telle confession ?