Entre l’amour d’une mère et la haine d’une belle-fille : Mon histoire
« Tu ne comprends rien, maman ! » La voix de Thomas résonne encore dans le couloir, claquant la porte derrière lui. Je reste figée, la main tremblante sur la table de la cuisine, le cœur battant à tout rompre. Claire, assise en face de moi, me fixe de ses yeux froids, un demi-sourire au coin des lèvres. Je sens la colère monter, mais aussi une tristesse immense. Comment en sommes-nous arrivés là ?
Je m’appelle Jeanne, j’ai 58 ans, et jamais je n’aurais cru devenir cette mère qui ne souhaite pas le bonheur de son fils. Pourtant, depuis que Thomas a rencontré Claire, tout a changé. Avant elle, notre famille était unie, chaleureuse. Les dimanches midi chez nous étaient sacrés : mon mari Michel racontait ses blagues, ma fille Sophie riait aux éclats, et Thomas… Thomas était mon rayon de soleil. Mais depuis trois ans, depuis que Claire est entrée dans nos vies, tout s’est effondré.
Je me souviens du premier dîner où Thomas nous l’a présentée. Elle est arrivée avec un bouquet de fleurs blanches, un sourire poli, mais son regard… Je l’ai senti tout de suite : elle nous jugeait. Elle n’a presque rien mangé, a critiqué le vin de Michel et s’est moquée de la décoration de la maison. J’ai essayé d’être gentille, de lui poser des questions sur son travail – elle est avocate, spécialisée dans le droit des affaires – mais chaque réponse sonnait comme une leçon de morale. « Chez mes parents, on ne fait pas comme ça », « Vous devriez essayer ce restaurant bio dans le centre », « Ce n’est pas très sain, la charcuterie… »
Au début, j’ai cru que c’était de la maladresse. Mais plus les mois passaient, plus elle s’imposait. Elle a convaincu Thomas de déménager loin de notre quartier, de changer de travail pour un poste plus prestigieux mais plus stressant. Elle a refusé de venir à Noël sous prétexte qu’elle « ne supporte pas l’hypocrisie familiale ». Michel a tenté de calmer les choses : « Laisse-les vivre leur vie, Jeanne. » Mais comment rester indifférente quand on sent son fils s’éloigner ?
Sophie, ma fille, ne supporte plus Claire non plus. « Elle est odieuse, maman ! Elle te regarde comme si tu étais une idiote. » Même Michel, d’habitude si tolérant, a fini par admettre : « Elle n’aime personne ici, sauf elle-même. »
Le pire, c’est que Thomas change aussi. Lui qui était si doux, si proche de moi, est devenu nerveux, sur la défensive. Il ne vient plus aux repas de famille, ne m’appelle presque plus. Quand je lui ai demandé pourquoi il s’éloignait, il a explosé : « Tu ne veux jamais comprendre Claire ! Tu la critiques sans arrêt ! »
Mais est-ce vrai ? Suis-je vraiment injuste ? J’ai essayé de faire des efforts. J’ai invité Claire à déjeuner, seule à seule. J’ai préparé un repas végétarien, j’ai acheté du vin bio. Mais rien n’y fait. Elle reste distante, me parle comme à une collègue qu’elle méprise. « Vous savez, Jeanne, il faudrait peut-être accepter que Thomas ait grandi. »
Un jour, j’ai surpris une conversation entre eux. Claire disait : « Ta famille est toxique. Ils te tirent vers le bas. » Mon cœur s’est brisé. Comment peut-elle dire ça ? Nous avons tout donné à Thomas !
La semaine dernière, tout a explosé. Thomas est venu seul, les yeux rouges. Il m’a dit : « Je ne veux plus vous voir. Claire souffre trop à cause de vous. » J’ai supplié, j’ai pleuré. Il est parti sans se retourner.
Depuis, la maison est vide. Michel ne parle plus beaucoup. Sophie ne vient plus que rarement. Je tourne en rond, je repense à chaque mot, chaque geste. Ai-je été trop possessive ? Trop critique ? Ou bien est-ce Claire qui a tout détruit ?
Hier soir, j’ai reçu un message de Thomas : « Ne m’appelle plus. Je veux qu’on fasse une pause. » J’ai relu ces mots cent fois. J’ai envie de hurler, de tout casser. Mais je reste là, assise dans la cuisine silencieuse, à regarder la photo de Thomas enfant.
Je me demande : est-ce ça, être mère ? Aimer jusqu’à s’effacer ? Ou bien faut-il parfois lâcher prise, même si on a l’impression de perdre son enfant ?
Et vous, qu’auriez-vous fait à ma place ? Est-ce moi la mauvaise mère… ou bien est-ce elle qui a tout brisé ?