Un soir, tout a basculé : l’histoire de mon infidélité

— Tu rentres tard, Claire ?

La voix de Paul résonne dans le couloir, fatiguée, presque indifférente. Je referme doucement la porte d’entrée, le cœur battant trop fort. Il ne me regarde même pas. Il est assis devant la télé, la lumière bleue éclaire son visage fermé. Je pose mon sac, j’enlève mes chaussures, et je sens encore sur ma peau le parfum de Vincent. Je m’arrête dans la cuisine, je m’appuie contre le plan de travail. Mes mains tremblent.

Je regarde ma bague. Dix-sept ans de mariage. Dix-sept ans de routines, de compromis, de silences. Je me souviens du premier jour où Paul m’a dit qu’il m’aimait. C’était à la fac, sous la pluie, il avait l’air si sincère. Mais ce soir… Ce soir, j’ai tout brisé.

Je n’avais rien prémédité. C’était une simple soirée entre collègues pour fêter la fin d’un gros projet. Vincent s’est assis à côté de moi. Il a ri à mes blagues, il m’a regardée dans les yeux comme si j’existais vraiment. J’ai senti quelque chose se réveiller en moi, une chaleur oubliée. On a bu du vin, on a parlé de tout et de rien, et puis…

— Tu veux qu’on prenne l’air ?

J’ai dit oui. On s’est retrouvés dehors, sous les lampadaires jaunes du boulevard Saint-Germain. Il faisait frais, mais je brûlais à l’intérieur. Vincent a posé sa main sur la mienne. J’ai senti mon corps réagir comme si j’avais vingt ans. J’ai ri nerveusement.

— Tu es belle quand tu souris, Claire.

J’ai baissé les yeux. Je n’ai pas protesté quand il m’a embrassée. Je n’ai pas résisté quand il m’a prise dans ses bras. J’ai oublié Paul, les enfants, la maison à payer, les courses à faire le samedi matin. J’ai oublié qui j’étais devenue.

On a marché jusqu’à son appartement. J’ai hésité sur le palier, mais il m’a regardée avec une tendresse qui m’a désarmée.

— Tu peux partir si tu veux.

Mais je ne suis pas partie.

Le lendemain matin, je me suis réveillée dans un lit inconnu, le cœur serré par la culpabilité et l’excitation mêlées. Vincent dormait encore. J’ai caressé ses cheveux, j’ai senti une larme couler sur ma joue. Je savais que je venais de franchir une ligne invisible.

En rentrant chez moi, tout semblait normal. Paul préparait le café comme chaque dimanche. Les enfants dormaient encore. Mais moi, je n’étais plus la même.

Les jours suivants ont été un supplice silencieux. Je regardais Paul et je me demandais : est-ce que je l’aime encore ? Ou est-ce que je reste par habitude ?

Un soir, alors que nous dînions en famille, notre fille Juliette a demandé :

— Maman, pourquoi tu souris plus comme avant ?

Paul a levé les yeux vers moi pour la première fois depuis des semaines. Il avait l’air inquiet.

— Tu es fatiguée ?

J’ai hoché la tête sans répondre. Comment leur dire que j’étais fatiguée d’être invisible ? Que j’avais besoin qu’on me voie vraiment ?

Les jours ont passé et Vincent m’a envoyé un message :

« Tu me manques déjà. »

J’ai relu ces mots cent fois. J’ai hésité à répondre. J’ai pensé à tout quitter, à recommencer ailleurs. Mais je suis restée là, piégée entre deux vies.

Un samedi matin, alors que Paul partait faire les courses avec les enfants, j’ai appelé ma sœur Sophie.

— Je crois que j’ai fait une énorme bêtise.

Elle a deviné tout de suite.

— Tu l’aimes ?

— Je ne sais pas… Je sais juste que je me sens vivante avec lui.

Sophie a soupiré.

— Et avec Paul ?

J’ai éclaté en sanglots.

Le soir même, Paul est rentré plus tôt que prévu. Il m’a trouvée assise dans la cuisine, les yeux rouges.

— Claire… Qu’est-ce qui se passe ?

Je n’ai pas pu mentir. Les mots sont sortis tout seuls.

— J’ai rencontré quelqu’un.

Il est resté silencieux longtemps. Puis il a murmuré :

— Est-ce que tu veux encore de nous ?

Je n’avais pas de réponse.

Depuis ce jour-là, tout est différent à la maison. Paul essaie d’être plus présent, mais quelque chose s’est brisé entre nous. Les enfants sentent la tension, Juliette fait des cauchemars la nuit.

Je me demande chaque jour si j’ai fait le bon choix en cédant à ce désir soudain d’exister aux yeux de quelqu’un d’autre. Est-ce que c’est ça, être adulte ? Sacrifier son bonheur pour celui des autres ? Ou bien ai-je le droit de chercher ce qui me manque ?

Parfois je regarde ma bague et je me demande : est-ce qu’on peut vraiment recoller les morceaux d’un cœur fissuré ? Ou faut-il tout laisser s’effondrer pour espérer renaître un jour ?