Les Éclats du Passé : L’Amour à l’Épreuve du Divorce
« Nathan, tu sais que ses parents sont divorcés, non ? Elle ne sait pas vraiment comment fonctionne le vrai amour. »
La voix de mon ami Paul résonne encore dans ma tête alors que je reste planté sous la pluie, devant l’immeuble de Camille. Les gouttes ruissellent sur mon visage, se mêlant à mes larmes que je refuse d’admettre. J’ai vingt-trois ans et mon cœur est en morceaux. Je n’ai pas beaucoup d’expérience, ni de grandes histoires derrière moi. Je voulais juste aimer et être aimé. Est-ce trop demander ?
Tout a commencé un soir d’octobre, dans un bar du Vieux Lyon. Camille riait avec ses amies, sa voix claire traversant la salle enfumée. J’ai été attiré par sa lumière, mais aussi par une tristesse discrète dans son regard. Nous avons parlé toute la nuit, de musique, de littérature, de nos rêves d’ailleurs. Elle m’a avoué qu’elle n’aimait pas les fins heureuses dans les romans : « C’est trop facile, la vraie vie ne pardonne pas autant. »
Rapidement, nous sommes devenus inséparables. Mais il y avait toujours cette distance invisible entre nous, comme une vitre froide impossible à briser. Camille ne parlait jamais de sa famille. Un jour, alors que je lui proposais de venir dîner chez mes parents à Villeurbanne, elle a blêmi :
— Je préfère éviter… Ce genre d’ambiance me met mal à l’aise.
J’ai insisté, naïvement :
— Mais pourquoi ? Tu t’entendrais bien avec eux !
Elle a haussé les épaules, détournant le regard :
— Tu ne peux pas comprendre.
Ce soir-là, j’ai compris qu’il y avait un gouffre entre nous. J’ai tenté de le combler par des attentions maladroites : des fleurs déposées sur son paillasson, des messages doux au réveil. Mais rien n’y faisait. Camille semblait toujours sur le point de partir, comme si elle attendait que tout s’effondre.
Un dimanche après-midi, alors que nous flânions sur les quais du Rhône, elle s’est arrêtée net :
— Tu sais, mes parents se sont déchirés pendant des années avant de divorcer. J’avais douze ans. Depuis, je ne crois plus aux promesses.
Je n’ai rien su répondre. J’ai serré sa main plus fort, mais elle l’a retirée doucement.
Les semaines ont passé. Les disputes sont devenues plus fréquentes. Un soir, après une énième incompréhension, j’ai explosé :
— Pourquoi tu refuses toujours de parler ? Pourquoi tu me repousses dès que je m’approche trop ?
Camille a éclaté en sanglots :
— Parce que je ne veux pas te perdre ! Parce que je sais que tout finit par casser !
J’ai voulu la prendre dans mes bras, mais elle s’est recroquevillée sur le canapé, comme une enfant effrayée.
À partir de là, tout s’est accéléré. Elle s’est éloignée peu à peu. Les messages sont devenus rares, les rendez-vous espacés. Je me suis mis à douter de moi-même : étais-je trop exigeant ? Trop naïf ?
Un soir d’hiver, alors que la neige tombait sur la ville silencieuse, Camille m’a écrit un long message :
« Nathan,
Je suis désolée. Je t’aime à ma façon mais je ne sais pas aimer comme toi tu attends qu’on m’aime. J’ai peur de reproduire les erreurs de mes parents. Je préfère partir avant de te faire du mal.
Camille »
Je suis resté des heures à relire ces mots. J’avais envie de hurler, de courir chez elle et de la supplier de rester. Mais au fond de moi, je savais qu’elle avait raison.
Les jours suivants ont été un calvaire. Je me suis replié sur moi-même, évitant mes amis et ma famille. Ma mère a tenté de me réconforter :
— Tu sais mon chéri, parfois on ne peut pas réparer ce qui a été brisé chez l’autre.
Mais je refusais d’abandonner. J’ai écrit à Camille une dernière lettre :
« Je ne veux pas être ton pansement ni ton bourreau. Je voulais juste qu’on apprenne ensemble à aimer différemment. »
Elle n’a jamais répondu.
Aujourd’hui encore, chaque fois que je passe devant son immeuble, mon cœur se serre. J’ai compris que l’amour n’est pas une évidence pour tout le monde. Que certains portent des blessures invisibles qui les empêchent d’avancer.
Mais au fond… Est-ce qu’on peut vraiment aimer sans avoir appris ce qu’est l’amour ? Est-ce que nos histoires familiales nous condamnent à répéter les mêmes erreurs ? Qu’en pensez-vous ?