Prières dans la tempête : Comment la foi m’a sauvée de l’oubli

— Claire, réveille-toi ! Il y a de la fumée !

La voix de ma mère, tremblante, me tira brutalement du sommeil. Je me redressai d’un bond, le cœur battant à tout rompre. Une odeur âcre envahissait déjà ma chambre d’adolescente, tapissée de posters et de photos jaunies. Je n’eus pas le temps de réfléchir : ma mère attrapa ma main et m’entraîna dans le couloir, où mon petit frère Paul hurlait, terrifié.

En bas, mon père tentait d’ouvrir la porte d’entrée, mais les flammes léchaient déjà le salon. Tout s’est passé si vite. Nous avons fui par la fenêtre de la cuisine, pieds nus sur l’herbe froide, sous la pluie battante. Derrière nous, notre maison brûlait. Les pompiers sont arrivés trop tard pour sauver autre chose que les murs calcinés.

Le lendemain matin, je suis restée longtemps devant les décombres fumants. J’avais seize ans. Tout ce que je connaissais — mes journaux intimes, les albums photos de mes grands-parents, les dessins de Paul, les lettres d’amour maladroites échangées avec mon premier amour — tout avait disparu. Ma mère s’est effondrée en larmes sur l’épaule de mon père. Lui, d’habitude si solide, avait le regard vide.

Les jours suivants furent un cauchemar éveillé. Nous avons été hébergés chez ma tante Sylvie à Tours, dans un appartement trop petit pour cinq personnes. Les disputes éclataient pour un rien :

— Tu pourrais au moins aider à ranger, Claire !
— Je fais ce que je peux, maman !

Paul pleurait chaque nuit. Mon père ne parlait plus. Ma mère priait à voix basse dans la cuisine, pensant que personne ne l’entendait. Moi, je me sentais vide. Je n’avais plus rien à quoi me raccrocher.

Un soir, alors que tout le monde dormait, je me suis glissée dans la salle de bains et j’ai fermé la porte à clé. J’ai regardé mon reflet dans le miroir embué et j’ai murmuré :

— Pourquoi nous ? Pourquoi maintenant ?

Je n’attendais pas de réponse. Mais soudain, j’ai pensé à ma grand-mère Madeleine, qui disait toujours : « Quand tu ne sais plus quoi faire, prie. » J’ai fermé les yeux et j’ai récité le « Notre Père », maladroitement d’abord, puis avec plus de conviction. J’ai pleuré toutes les larmes de mon corps.

Le lendemain matin, j’ai trouvé ma mère assise à la table de la cuisine, un chapelet entre les doigts.

— Tu veux prier avec moi ?

J’ai hésité. Mais j’ai accepté. Ce fut notre premier moment de paix depuis l’incendie. Petit à petit, Paul s’est joint à nous. Mon père restait en retrait, mais il nous observait du coin de l’œil.

Les semaines ont passé. Nous avons commencé à reconstruire notre vie : démarches auprès des assurances, recherche d’un nouveau logement social à Tours, tri des vêtements donnés par la Croix-Rouge. Mais chaque soir, nous nous retrouvions pour prier ensemble. Ce rituel est devenu notre ancre.

Un jour, alors que je rentrais du lycée, j’ai trouvé mon père assis sur le balcon avec une boîte en carton sur les genoux.

— Regarde ce que j’ai retrouvé dans le garage chez Sylvie…

Il a sorti un album photo miraculeusement épargné par les flammes : des clichés de vacances en Bretagne, des anniversaires oubliés… Nous avons ri et pleuré en feuilletant ces images rescapées.

Peu à peu, la colère a laissé place à la gratitude. Nous avions perdu beaucoup, mais nous étions vivants. Et surtout, nous étions ensemble.

Un dimanche matin, à l’église Saint-Martin, le prêtre a parlé du pardon et de la résilience. J’ai senti une chaleur étrange envahir ma poitrine. Après la messe, mon père m’a serrée dans ses bras pour la première fois depuis des mois.

— On va y arriver, Claire. Grâce à toi… et à ta foi.

Aujourd’hui encore, il m’arrive de pleurer en pensant à tout ce que nous avons perdu. Mais je sais que rien n’est vraiment effacé tant qu’on garde l’amour et la mémoire vivants dans nos cœurs.

Est-ce que vous aussi vous avez déjà tout perdu ? Qu’est-ce qui vous a aidé à tenir debout quand tout semblait s’effondrer autour de vous ?