Le jour où tout s’est effondré – Mon histoire à Lyon, que je n’oublierai jamais
— Allô ? Madame Lefèvre ? Ici l’hôpital Édouard-Herriot. Votre mari a eu un accident. Il faudrait venir tout de suite.
Je me souviens encore du tremblement dans la voix de l’infirmière. Mon cœur s’est arrêté, puis s’est emballé. Paul, mon mari, mon roc depuis quinze ans… J’ai attrapé mes clés, enfilé mon manteau à l’envers, et j’ai couru dans les rues froides de Lyon, le souffle court, les larmes déjà prêtes à jaillir.
À l’hôpital, tout sentait le désinfectant et l’urgence. J’ai reconnu la silhouette de ma belle-sœur, Claire, assise sur un banc, les yeux rougis. Elle s’est levée en me voyant arriver :
— Camille… Il est en salle d’opération. Les médecins ne savent pas s’il va s’en sortir.
Je me suis effondrée sur le banc à côté d’elle. Les souvenirs défilaient : nos vacances à Annecy, les anniversaires des enfants, les soirées tranquilles devant la télé… Comment tout cela pouvait-il basculer en une seconde ?
Les heures ont passé, interminables. J’ai appelé mes parents pour qu’ils viennent chercher nos deux enfants, Lucie et Théo. Je ne voulais pas qu’ils voient leur père dans cet état. Quand enfin le chirurgien est venu nous parler, son visage fermé m’a glacée.
— Il a eu beaucoup de chance. Il va survivre, mais il faudra du temps…
J’ai poussé un soupir de soulagement. Mais ce n’était que le début du cauchemar.
Quelques jours plus tard, alors que Paul était encore inconscient, une femme est venue me voir à l’hôpital. Elle avait mon âge, les cheveux courts et un regard déterminé.
— Vous êtes Camille Lefèvre ?
— Oui…
— Je m’appelle Sophie Martin. Je… Je suis la compagne de Paul depuis trois ans.
Le sol s’est dérobé sous mes pieds. J’ai cru que j’allais m’évanouir. Claire a posé une main sur mon épaule, mais je n’entendais plus rien. Trois ans ? Compagne ?
Sophie a continué :
— Je suis désolée de vous l’apprendre comme ça. Mais j’ai le droit de savoir comment il va… Nous avons une fille ensemble. Elle s’appelle Juliette.
Je me suis levée d’un bond :
— C’est une blague ? Paul n’aurait jamais…
Mais au fond de moi, je savais que ce n’était pas une blague. Les absences inexpliquées, les « réunions » tardives, les week-ends où il partait soi-disant voir sa mère à Grenoble… Tout prenait soudain sens.
Je suis rentrée chez moi en titubant. Les enfants dormaient déjà. J’ai erré dans notre appartement du 6e arrondissement, chaque objet me rappelant Paul : sa tasse préférée, son écharpe sur le porte-manteau, ses livres alignés sur l’étagère. Comment avait-il pu me trahir ainsi ?
Le lendemain matin, j’ai reçu un message de Sophie : « Je comprends votre douleur. Mais Juliette veut voir son père aussi. »
J’ai failli jeter mon téléphone contre le mur. Puis j’ai éclaté en sanglots. Comment allais-je expliquer cela à Lucie et Théo ? Comment allais-je affronter la famille de Paul ?
Les jours suivants ont été un enfer. À l’hôpital, Paul a fini par se réveiller. Je suis entrée dans sa chambre, le cœur battant.
— Camille… Je suis désolé…
Il avait l’air si faible, si vulnérable. Mais je n’arrivais pas à ressentir de la compassion. Seulement de la colère.
— Pourquoi ? Pourquoi tu m’as fait ça ?
Il a détourné les yeux.
— Je ne voulais pas te blesser… Je t’aime toujours, mais… Avec Sophie c’était différent… Je ne sais pas comment c’est arrivé.
J’ai éclaté :
— Tu ne sais pas ? Tu as menti pendant trois ans ! Tu as une fille avec elle ! Et moi ? Et nos enfants ? Tu pensais à nous quand tu allais la retrouver ?
Il n’a rien répondu. Les larmes coulaient sur ses joues.
La famille s’est déchirée. Mes beaux-parents m’ont suppliée de pardonner Paul « pour le bien des enfants ». Ma propre mère m’a dit de penser à moi d’abord :
— Camille, tu n’es pas obligée de tout supporter sous prétexte d’être une bonne épouse.
Lucie a surpris une conversation téléphonique et m’a demandé :
— Maman, c’est vrai que Papa a une autre famille ?
J’ai senti mon cœur se briser encore un peu plus.
J’ai essayé d’expliquer avec des mots simples :
— Papa nous aime très fort, mais il a fait des erreurs… Il va falloir du temps pour comprendre tout ça.
Les semaines ont passé. Paul est rentré chez nous pour sa convalescence. L’ambiance était glaciale. Les enfants évitaient son regard. Moi, je dormais dans la chambre d’amis.
Un soir, il est venu me voir :
— Camille… Je comprends si tu veux divorcer. Mais je voudrais rester présent pour Lucie et Théo… Et pour Juliette aussi.
J’ai hoché la tête sans répondre. Au fond de moi, je savais que rien ne serait plus jamais comme avant.
Aujourd’hui encore, je me demande : comment peut-on reconstruire sa vie après une telle trahison ? Peut-on vraiment pardonner l’impardonnable ? Et vous, qu’auriez-vous fait à ma place ?