Après 35 Ans Ensemble, Notre Mariage S’effondre : Chronique d’une Rupture Inattendue
« Tu comptes vraiment partir, Gérard ? » Ma voix tremble, résonne dans la cuisine silencieuse. Il ne me regarde pas. Il range méthodiquement ses affaires dans un vieux sac de sport, celui qu’il utilisait pour ses parties de pétanque avec les copains du quartier. Je m’appuie contre le plan de travail, le cœur battant trop fort pour mon âge. C’est un matin de décembre, froid et gris, et je sens que tout s’effondre autour de moi.
Trente-cinq ans. Trente-cinq ans à partager la même table, les mêmes draps, les mêmes disputes et les mêmes rires. Et pourtant, nous voilà là, deux étrangers dans la maison que nous avons bâtie ensemble à Saint-Maur-des-Fossés. Nos enfants, Camille et Julien, sont partis depuis longtemps. Ils vivent leur vie à Paris, ne rentrent que pour les grandes occasions. Le dernier Noël ensemble remonte à trois ans déjà.
Tout a basculé ce fameux jeudi de novembre. C’était la veille du Beaujolais nouveau ; une tradition chez nous. Mais cette année-là, Camille nous a laissés son chien, Pistache, pour partir fêter l’anniversaire d’un ami à Lyon. Gérard n’a rien dit, mais j’ai vu son regard s’assombrir. Il n’aimait pas ce chien. Il disait qu’il sentait mauvais, qu’il aboyait trop. Moi, au contraire, j’aimais bien sa présence : il rompait le silence pesant de la maison.
Ce soir-là, alors que je préparais une blanquette de veau, Gérard est entré dans la cuisine sans un mot. Il a ouvert une bouteille de vin blanc, s’est servi un verre et s’est assis en face de moi. J’ai senti qu’il voulait parler, mais il n’a rien dit. Le silence était assourdissant.
« Tu te souviens quand on allait danser au bal du 14 juillet ? » ai-je tenté timidement.
Il a haussé les épaules. « C’était il y a longtemps, Françoise. »
J’ai senti une boule dans ma gorge. Depuis combien de temps ne nous étions-nous pas touchés ? Embrassés ? Même nos disputes étaient devenues tièdes, comme si nous n’avions plus la force de nous battre.
Le lendemain matin, alors que je promenais Pistache dans le parc, j’ai croisé Madame Lefèvre, notre voisine. Elle m’a demandé comment allait Gérard. J’ai menti : « Comme toujours, il râle pour un rien ! » Mais au fond de moi, je savais que quelque chose était brisé.
Le soir même, Gérard m’a annoncé qu’il voulait divorcer. Simplement. Comme on annonce qu’on va acheter du pain. J’ai cru que mon cœur allait s’arrêter.
« Pourquoi maintenant ? Après tout ce temps ? »
Il a soupiré : « Je ne suis plus heureux ici. Je ne sais même pas si je l’ai déjà été… »
Les jours suivants ont été un calvaire. Nous avons dormi dans des chambres séparées. Les repas se faisaient en silence. Même Pistache semblait ressentir la tension : il ne venait plus quémander des caresses.
Camille et Julien sont venus le week-end suivant. Ils ont cru à une dispute passagère. Camille a pleuré dans mes bras : « Maman, tu ne peux pas laisser papa partir ! » Mais comment retenir quelqu’un qui ne veut plus rester ?
Au tribunal aujourd’hui, je regarde Gérard signer les papiers du divorce. Il ne tremble pas. Moi si. Je repense à tous ces moments partagés : nos vacances en Bretagne, les anniversaires des enfants, les soirées devant la télévision… Tout cela n’a-t-il servi à rien ?
Je me sens vieille et inutile. À quoi bon recommencer à 62 ans ? Qui suis-je sans lui ?
Après l’audience, je rentre seule à la maison. Pistache m’attend derrière la porte. Je m’assois sur le canapé et je pleure toutes les larmes de mon corps.
Pourquoi l’amour s’éteint-il si facilement ? Est-ce la routine qui tue tout ? Ou bien avons-nous simplement oublié de nous aimer ?
Et vous… croyez-vous qu’on peut vraiment se reconstruire après une vie entière partagée avec quelqu’un ?