Les hommes de ma vie : Entre choix et regrets

« Tu ne comprends donc jamais rien, Camille ! » La voix de Paul résonne encore dans le salon, alors que la porte claque derrière lui. Je reste figée, les mains tremblantes, le cœur battant à tout rompre. Les larmes me montent aux yeux, mais je refuse de pleurer. Pas cette fois. Pas encore.

Il est vingt-deux heures passées, Paris bruisse derrière mes fenêtres, indifférent à mon chagrin. Je m’assieds sur le canapé, entourée du silence soudain trop lourd. Paul… Mon mari depuis dix ans. L’homme avec qui j’ai cru pouvoir tout affronter. Mais ce soir, il m’a lancé un ultimatum : « C’est lui ou moi. »

Lui… C’est Julien. Mon premier amour, revenu dans ma vie comme une tempête après quinze ans d’absence. Il y a trois semaines, il m’a retrouvée par hasard à la terrasse du Café de Flore. Il avait ce sourire un peu triste, les cheveux poivre et sel, et cette façon de me regarder comme si j’étais encore la jeune fille de vingt ans qui croyait que tout était possible.

« Camille ? » Sa voix m’avait fait sursauter. J’avais failli renverser mon café. Nous avions parlé des heures, ri comme avant, évoqué nos souvenirs d’étudiants à la Sorbonne, nos rêves d’alors. Il m’a avoué qu’il n’avait jamais cessé de penser à moi. Et moi ? J’ai menti. J’ai dit que j’étais heureuse, comblée. Mais la vérité, c’est que depuis des années, je me sens vide.

Paul est un homme bien. Stable, prévisible, rassurant. Il aime notre fille, Chloé, plus que tout au monde. Mais entre nous, il n’y a plus cette étincelle. Nos conversations tournent autour des factures, des devoirs de Chloé, des vacances à organiser. Parfois, je me demande si nous sommes encore un couple ou simplement deux colocataires qui partagent une routine.

Julien, lui, incarne tout ce que j’ai perdu : la passion, l’insouciance, la liberté. Mais il est aussi celui qui m’a brisée autrefois en partant sans un mot pour suivre ses rêves à Marseille. Peut-on vraiment refaire sa vie avec quelqu’un qui vous a déjà abandonnée ?

Ce soir-là, Paul a trouvé les messages de Julien sur mon téléphone. Rien d’explicite, juste des mots doux, des souvenirs partagés. Mais pour Paul, c’était une trahison. « Tu dois choisir », a-t-il dit en serrant les poings.

Je repense à mon père qui me disait toujours : « La vie est faite de choix difficiles, ma fille. » Lui-même a quitté maman quand j’avais huit ans pour une autre femme. Je ne l’ai jamais vraiment pardonné. Est-ce que je suis en train de reproduire le même schéma ?

Le lendemain matin, Chloé entre dans ma chambre en silence. Elle a compris qu’il se passe quelque chose. Ses yeux cherchent les miens :
— Maman… Papa va revenir ?
Je caresse ses cheveux blonds et je mens encore :
— Bien sûr, ma chérie.
Mais au fond de moi, je ne sais plus rien.

Les jours passent dans une tension insupportable. Paul dort sur le canapé. Julien m’envoie des messages chaque soir : « Je t’attends », « On pourrait tout recommencer ». Je me sens coupable et vivante à la fois.

Un soir, ma mère m’appelle :
— Camille, tu ne peux pas tout gâcher pour un fantasme du passé ! Pense à ta fille !
Je lui raccroche au nez. Elle ne comprend pas ce vide qui me ronge.

Au travail aussi, je perds pied. Mon chef, Monsieur Lefèvre, me convoque :
— Camille, tu n’es plus concentrée… Si tu as besoin de temps…
Je hoche la tête sans répondre.

Un samedi matin, alors que Paul emmène Chloé au parc pour me laisser « réfléchir », Julien m’attend devant chez moi.
— Viens marcher avec moi.
Nous longeons la Seine en silence. Il finit par s’arrêter :
— Je t’aime encore, Camille. Je veux te rendre heureuse.
Je sens mes défenses s’effondrer.
— Tu m’as déjà laissée tomber une fois…
— Je ne referai pas la même erreur.

Mais puis-je vraiment croire à ses promesses ?

La nuit suivante est un supplice. Je tourne en rond dans l’appartement vide. Les souvenirs affluent : les rires avec Paul au début de notre histoire ; le regard brûlant de Julien sous les platanes du Jardin du Luxembourg ; les pleurs de Chloé quand elle a peur du noir…

Je réalise que chaque homme représente un choix différent : la sécurité ou la passion ; le passé ou l’avenir ; la famille ou moi-même.

Le dimanche matin, Paul rentre plus tôt que prévu avec Chloé endormie dans ses bras. Il me regarde longtemps avant de murmurer :
— Je t’aime encore… Mais je ne veux plus vivre dans le doute.
Il pose sa main sur la mienne :
— Dis-moi ce que tu veux vraiment.

Je fonds en larmes. Je ne sais pas quoi répondre.

Le soir venu, je prends une décision douloureuse : je demande à Paul de partir quelques jours avec Chloé chez sa sœur à Lyon pour que je puisse réfléchir seule.

Les heures s’étirent dans l’appartement silencieux. Je relis les messages de Julien ; je regarde les photos de famille sur le buffet ; j’écoute les voix du passé et du présent se mêler dans ma tête.

Finalement, je compose le numéro de Julien.
— J’ai besoin de temps… Je dois penser à Chloé avant tout.
Il comprend mais sa voix tremble :
— Je t’attendrai autant qu’il faudra.

Paul m’écrit un mot avant de partir : « Peu importe ta décision, je veux que tu sois heureuse. »

Je reste seule face à moi-même pour la première fois depuis des années.

Ce soir-là, devant mon miroir, je me demande : ai-je le droit de choisir mon bonheur au risque de briser ma famille ? Ou dois-je sacrifier mes désirs pour préserver ce que nous avons construit ?

Et vous… Qu’auriez-vous fait à ma place ? Peut-on vraiment tout recommencer sans blesser ceux qu’on aime ?