« Un seul petit-enfant, c’est suffisant ! » : Le jour où ma belle-mère a brisé mon cœur
« Un seul petit-enfant, c’est suffisant pour moi ! »
Ces mots claquent dans la cuisine comme une gifle. Je serre la tasse de café entre mes mains tremblantes, le regard fixé sur la nappe à carreaux rouges et blancs. Ma belle-mère, Françoise, me fixe sans ciller, les lèvres pincées, le regard dur. Je viens tout juste de lui annoncer que j’attends un enfant de son fils, Julien. Je m’attendais à des larmes de joie, à une étreinte maladroite, à un sourire au moins. Mais non. Juste cette phrase, froide, tranchante.
Julien baisse les yeux. Il ne dit rien. Je sens la colère monter en moi, mais aussi une tristesse immense. J’ai envie de hurler, de lui demander pourquoi elle ne veut pas de ce bébé, pourquoi elle me rejette depuis le premier jour. Mais je reste là, figée, incapable de prononcer un mot.
« Tu sais très bien que j’ai déjà un petit-fils, Arthur », reprend-elle en soupirant. « Et puis… avec tout ce qui s’est passé avec l’ex-femme de Julien… Je ne veux plus de complications dans cette famille. »
Je sens une larme couler sur ma joue. Je la chasse d’un revers de main. Julien pose enfin sa main sur la mienne, timidement. « Maman… Ce n’est pas pareil. Camille n’est pas comme… »
Françoise l’interrompt d’un geste sec. « Je ne veux pas en parler. C’est dit. »
Je me lève brusquement, la chaise grince sur le carrelage. « Très bien, Françoise. Mais sachez que ce bébé viendra au monde, que vous le vouliez ou non. » Ma voix tremble mais je tiens bon. Je quitte la pièce sans me retourner.
Dans la voiture, sur le chemin du retour vers notre petit appartement à Nantes, Julien garde le silence. Je sens qu’il est partagé entre sa loyauté envers sa mère et son amour pour moi. Je lui en veux un peu, mais je comprends aussi : il a grandi seul avec elle après la mort de son père, il lui doit tout.
Les semaines passent. La grossesse avance. Françoise ne donne plus de nouvelles. Elle ne répond pas à mes messages ni à ceux de Julien. Je sens un vide immense s’installer dans ma vie. Ma propre mère est décédée il y a trois ans d’un cancer foudroyant ; je n’ai plus personne vers qui me tourner pour partager mes doutes et mes joies de future maman.
Un soir d’automne, alors que je plie les petits vêtements que j’ai achetés en cachette – par superstition, je n’ose pas trop en parler autour de moi –, Julien rentre du travail plus tôt que d’habitude. Il a l’air soucieux.
« Arthur va venir passer le week-end chez nous », annonce-t-il en posant son sac dans l’entrée.
Je souris faiblement. Arthur a huit ans, il ressemble beaucoup à Julien mais il a hérité du caractère têtu de sa mère, Claire. Depuis notre rencontre, il m’a toujours regardée avec méfiance, comme si j’étais une intruse dans sa vie et celle de son père.
Le samedi matin, Arthur arrive avec Claire qui ne manque pas de me lancer un regard glacial. « Fais attention à mon fils », murmure-t-elle avant de repartir.
Le week-end est tendu. Arthur refuse de manger ce que je prépare, il boude dans sa chambre et ne parle qu’à Julien. Je tente de briser la glace :
— Tu veux qu’on fasse un gâteau ensemble ?
Il hausse les épaules sans répondre.
Le soir venu, alors que Julien est sous la douche, j’entends Arthur pleurer dans sa chambre. J’hésite puis frappe doucement à la porte.
— Arthur ? Ça va ?
Il renifle bruyamment.
— Pourquoi tu veux prendre mon papa ?
Je m’assois près de lui sur le lit.
— Je ne veux pas te prendre ton papa… Je veux juste qu’on soit une famille tous ensemble.
Il me regarde enfin dans les yeux.
— Mamie dit que tu vas tout gâcher…
Mon cœur se serre. Voilà donc ce que Françoise raconte à son petit-fils…
— Tu sais, Arthur, parfois les adultes disent des choses parce qu’ils ont peur du changement. Mais moi je t’aime bien, tu sais ? Et je suis sûre que tu aimeras ton petit frère ou ta petite sœur.
Il ne répond pas mais se blottit contre moi quelques secondes avant de s’endormir.
Le lendemain matin, alors que nous prenons le petit-déjeuner tous les trois, la sonnette retentit. C’est Françoise. Elle entre sans même attendre qu’on l’invite.
— Je viens chercher Arthur plus tôt que prévu.
Julien tente d’intervenir :
— Maman, on avait prévu d’aller au parc cet après-midi…
Elle l’ignore et se tourne vers moi :
— J’espère que tu es contente de semer la zizanie dans cette famille.
Je sens la colère monter en moi comme jamais auparavant.
— Non Françoise, je ne suis pas contente ! Mais je refuse d’être tenue responsable des blessures du passé ! Ce bébé n’a rien demandé !
Arthur se met à pleurer. Julien s’interpose enfin :
— Ça suffit ! Maman, si tu continues comme ça, tu ne verras plus ni moi ni ton futur petit-enfant !
Un silence glacial s’installe.
Françoise baisse enfin les armes. Pour la première fois depuis des mois, je vois une larme briller dans ses yeux.
— J’ai peur… murmure-t-elle. Peur que tout recommence comme avec Claire… Peur de perdre mon fils…
Je m’approche doucement d’elle.
— Vous ne perdrez personne si vous acceptez d’ouvrir votre cœur.
Elle me regarde longuement puis hoche la tête sans un mot et s’en va avec Arthur.
Les mois suivants sont faits de petits pas maladroits vers une réconciliation. Françoise vient parfois nous voir ; elle apporte des vêtements pour le bébé et commence à s’intéresser à ma grossesse. Ce n’est pas parfait mais c’est un début.
Le jour où notre fille Louise naît, Françoise est là à la maternité. Elle prend le bébé dans ses bras et murmure :
— Bienvenue dans la famille…
Je sens alors que tout n’est peut-être pas perdu.
Parfois je me demande : pourquoi est-ce si difficile d’être accepté quand on arrive dans une famille recomposée ? Est-ce qu’on peut vraiment guérir des blessures du passé et construire quelque chose de nouveau ensemble ? Qu’en pensez-vous ?