J’ai accepté d’immatriculer la voiture de mon frère à mon nom : le cauchemar financier qui a suivi

« Tu me sauves la vie, Alexis. »

La voix de Paul tremblait au téléphone, un soir de novembre, alors que la pluie martelait les vitres de mon petit appartement à Nantes. J’aurais dû sentir le piège, mais comment refuser à son propre frère ? Il traversait un divorce infernal avec Camille, sa femme depuis dix ans. Ils se disputaient tout, jusqu’aux couverts Ikea. Paul craignait que Camille ne réclame aussi sa vieille Peugeot 308, la seule chose qui lui restait. « Si tu l’achètes et que tu l’immatricules à ton nom, elle ne pourra rien dire », m’avait-il supplié.

J’ai accepté. J’ai signé les papiers, payé les frais d’immatriculation, et la voiture est devenue officiellement la mienne. Mais dans ma tête, elle restait à Paul. Il continuait de la conduire, de payer l’assurance (enfin, c’est ce que je croyais), et moi, je retournais à ma routine d’infirmier de nuit.

Tout a basculé un matin d’avril. Je reçois une lettre recommandée : « Mise en demeure pour amendes impayées ». 450 euros. Puis une autre, puis une troisième. Toutes pour des excès de vitesse et stationnements gênants à Paris, là où Paul venait de s’installer après le divorce. Je l’appelle, furieux :

— Paul, c’est quoi ces amendes ?
— Oh, t’inquiète, je vais les payer…
— Tu devais déjà payer la première !

Il soupire, esquive, promet. Mais rien ne vient. Les lettres s’accumulent, les montants aussi. Ma compagne, Claire, commence à s’inquiéter :

— Alexis, c’est pas normal. Tu vas finir interdit bancaire pour les conneries de ton frère !

Je tente de raisonner Paul :

— Tu dois régulariser la situation ou je reprends la voiture.
— Tu ne peux pas faire ça ! J’en ai besoin pour bosser !

Il me fait du chantage affectif. Je cède encore, rongé par la culpabilité et l’amour fraternel. Mais la situation empire. Un matin, je découvre que mon compte est saisi pour 1 200 euros d’amendes cumulées. Je fonds en larmes devant Claire.

— Je n’en peux plus…
— Il faut que tu penses à toi maintenant.

J’essaie d’en parler à mes parents. Ma mère prend le parti de Paul :

— Il a déjà tant souffert avec Camille… Tu pourrais être plus compréhensif.

Mon père reste silencieux, le regard fuyant. Je me sens trahi par ma propre famille.

Un soir, Paul débarque chez moi sans prévenir. Il sent l’alcool et la fatigue.

— J’ai perdu mon boulot…
— Et tu crois que je peux continuer à tout payer pour toi ?

Il s’effondre sur le canapé.

— J’ai tout foiré…

Je le regarde, partagé entre la colère et la pitié. Mais cette fois, je prends une décision :

— Demain, on va à la préfecture. On transfère la carte grise à ton nom ou je vends la voiture.

Il proteste, pleure, mais je tiens bon. Le lendemain, il signe enfin les papiers. Je me sens soulagé mais vidé.

Les mois suivants sont difficiles. Paul coupe les ponts avec moi et mes parents me reprochent ma « dureté ». Je dois rembourser un crédit pour éponger les dettes laissées par les amendes. Claire m’aide à tenir le coup.

Aujourd’hui encore, je me demande si j’ai bien fait d’aider Paul ou si j’aurais dû poser mes limites plus tôt. Est-ce qu’on doit tout accepter au nom de la famille ? Jusqu’où va la solidarité fraternelle avant de devenir un sacrifice ?

Et vous, qu’auriez-vous fait à ma place ? Est-ce que l’amour familial justifie tous les sacrifices ?